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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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auxquels je l’ai confié n’y comprennent rien.
    — Tu penses à sa prétendue immortalité ? demanda Corneille, sans s’en moquer cette fois.
    — Je ne pense pas. Je constate, c’est tout.
    — Que comptes-tu faire ?
    — Ce qu’il aurait voulu que je fasse et ce que tu attends de moi. Sauver Mary.
    Corneille soupira.
    — Cette place est mieux gardée que la Bastille. Je ne vois pas comment la tirer de là. J’y ai usé ma nuit.
    — Forbin.
    — Quoi, Forbin ? Il est incapable de faire des miracles, lui ! objecta Corneille.
    — Des miracles, peut-être pas. Une diversion certainement. Je vais m’arranger pour rallier La Galatée. Où qu’elle soit à présent. Toi, pendant ce temps, tu vas recruter des hommes sûrs dans plusieurs endroits, discrètement. Les mercenaires d’Emma se sont remis en chasse, certains que nous sortirons de notre cache pour cela. Si nous voulons avoir une chance de réussir, il faut jouer d’une totale surprise.
    — À quoi nous servirait une diversion si nous ne pouvons forcer la prison ?
    — Fais-moi confiance, Corneille, répondit Clément en lui pressant les épaules. Je sais ce qu’elle représente pour toi. La prison des Soupirs n’est pas inviolable. Il suffit juste d’y parvenir par où on ne nous attend pas. Retrouvons-nous ici dans trois jours. Jusque-là, prie afin que son procès ne soit pas bâclé pour apaiser l’esprit des Vénitiens. Prie aussi pour lui, s’il te reste un peu de foi.
    Corneille hocha la tête. Baletti était son rival, certes, mais il ne méritait pas ça.
     
    *
     
    Mary avait perdu le compte des heures. Elle s’était endormie, éveillée, et endormie encore. Parfois des fulgurances la traversaient, l’accablaient, puis retombaient, vaincues par la volonté implacable de son orgueil. Elle fixait sans la voir la porte en face d’elle. Il faisait noir. Noir et froid alors que Venise souffrait de la canicule.
    L’humidité des pierres en bordure de la lagune avait fini par la gagner, par imprégner ses fesses puis ses reins à travers ses jupes, jusqu’à geler son corps tout entier. Elle grelotta. Des coups contre le bois de la porte lui firent redresser sa tête lourde. Elle n’avait pas bougé depuis qu’elle était là.
    — Gruau ! beugla le gardien, faisant coulisser un panneau étroit dans la porte.
    Un léger rayon de lumière s’y infiltra, suivi d’une écuelle de terre emplie d’une pâtée malodorante. Mary ne se donna pas la peine de s’écarter du mur pour la prendre. Las d’attendre, le geôlier la renversa. La mangeaille s’écrasa à terre. Mary détourna la tête. Elle ne voulait rien. Ni boire ni manger. Juste attendre. Attendre Emma. La défier et mourir. Vite.
    Elle cala sa tête dans l’angle du mur et une fois encore s’abandonna, étirant ses jambes pour en chasser les fourmillements, regrettant ce poignard qu’on avait ôté de sa jarretière en la fouillant. Gabriel, fort des habitudes de sa maîtresse, s’était empressé de l’en priver. Un sourire étira les lèvres sèches de Mary. Avec un peu de chance, Emma aurait gardé le sien… Cette perspective lui fit pousser un soupir de contentement. Tout n’était peut-être pas encore joué entre elles.
     
    Inlassablement les heures tournèrent, reproduisant le même rituel. Chaque fois, le repas qu’on lui portait vint rejoindre le précédent sur le sol de pierre. Le couinement d’un rat lui donna à penser qu’il n’était pas perdu pour tout le monde. Elle avait faim, mais l’odeur seule de cette mangeaille lui soulevait les tripes. Elle avait connu, sinon pire, du moins aussi immonde. Le doute, l’insidieux doute, commençait à lézarder sa carapace. Et si Emma, somme toute, ne venait pas ? Si c’était cela la raison de son incarcération à Venise ? L’ultime vengeance. L’attente. Elle savait qu’il n’existait pas de pire torture que celle-là. Le manque. L’espoir qui s’émousse d’heure en heure. Jusqu’à la résignation finale. Résignée à mourir, elle l’était dans l’idée. Pas dans le ventre. S’il existait un moyen, un seul, pour entraîner Emma avec elle, elle n’hésiterait pas. Pour le reste, dès qu’une image agréable lui venait, elle la repoussait avec véhémence, la superposant à d’autres. La mort de Cecily, sa misère d’autrefois, son temps sur La Perle ou à l’armée. Elle écartait d’elle tout ce qui n’était pas violence, bataille, combat. Se rappelant les

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