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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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vautré sur une table devant sa chope.
    — Que fait-on de mon maître ? avait demandé l’homme de Boldoni, après une rasade de vin.
    — Ton maître, c’est elle, désormais, avait décrété l’inconnu. Boldoni est devenu gênant. Sitôt l’accès au jardin déverrouillé, toi et tes hommes l’éliminerez.
    — C’est le diable en personne, cette femme-là ! Je n’aime pas ses manières.
    — Elles sont franches pour qui la sert sans discuter. Mais je te déconseille de transgresser l’ordre qu’elle te donnera. Allons, à présent. Nous n’avons que trop tardé.
    Ils s’étaient levés, leur verre vidé, et Cork leur avait emboîté le pas à distance, espérant soudain d’autres renseignements que ceux qu’il était venu chercher. Il les avait suivis jusqu’à l’île du Lido, les laissant à la porte d’une bâtisse qui visiblement leur servait de repaire.
    — Savez-vous qui habite là ? avait-il demandé à une lavandière qui faisait sa lessive sur la rive, non loin.
    — En ce moment, c’est une dame. Le reste du temps, ça va, ça vient.
    — Cette dame est-elle blonde et très belle ?
    — Pour sûr, on dirait un ange, était convenue la lavandière en reprenant son battoir.
    Cork n’avait pas insisté. Ange et démon à la fois, ce ne pouvait être qu’Emma de Mortefontaine.
    La demeure qui les cachait avec Corneille était sur le chemin pour aller chez Baletti. Il s’y était arrêté pour faire part de ses soupçons à son comparse. Arrivé au moment où Mary sortait de la chambre de Corneille, il avait préféré se cacher plutôt que de gêner leur complicité. Clément Cork avait attendu qu’elle fût partie pour tout raconter à Corneille, refusant d’être mêlé à cette affaire-là. Il le regrettait à présent. S’il était intervenu plus tôt, peut-être aurait-il pu empêcher ce qui venait de se produire.
    Ils s’immobilisèrent devant l’ampleur du sinistre. C’était trop tard. Nul ne pouvait s’approcher. Les flammes gagnaient déjà les maisons mitoyennes. Partout, on s’agitait pour tenter l’impossible.
    — Je crois qu’il faut se résigner, Clément, lâcha Corneille. S’ils ont eu Mary, alors, c’est que ton marquis est mort.
    Cork refusa de l’entendre.
    — Je file au souterrain. Toi, suis-les pour savoir où ils vont la débarquer. Je te retrouverai à la demeure, dès que je me serai assuré de la vérité.
    — J’ai besoin de toi, Cork, insista Corneille.
    — Tu peux compter sur moi. Mais je dois savoir ce qu’il en est, conclut-il en s’élançant.
    Corneille n’insista pas. Il détacha une gondole au nez de son propriétaire, davantage absorbé dans la contemplation des flammes. Partout, hommes, femmes et enfants se relayaient, puisant de l’eau dans la lagune et la déversant sur l’incendie pour tenter de sauver leurs maisons. Corneille s’éloigna. Si aucun orage salvateur n’éclatait, les morts et les blessés se compteraient par dizaines et Venise serait en deuil.
    Indifférent à leur sort, et plus encore à celui du marquis de Baletti, Corneille ne songeait plus qu’à cette embarcation qui filait vers la place Saint-Marc. Elle était escortée de deux autres emplies d’hommes qui protégeaient une silhouette recouverte d’un voile noir. Emma, forcément. L’envie d’armer son pistolet et de l’abattre le démangea. Il la rejeta. Seul, il ne pouvait rien.
     
    Cork contourna le monastère et, s’engouffrant par une porte dérobée, gagna le sous-sol, essoufflé par sa course et par la fumée rasante qui oppressait Venise. Il récupéra la lanterne à l’entrée du souterrain, l’alluma et avança, gagné au bout de quelques pas par la chaleur insupportable qui y régnait. La bibliothèque avait dû s’embraser comme une torche. Son acte était irrationnel. Corneille avait raison. Baletti ne pouvait pas en avoir réchappé. L’humidité, constante d’ordinaire, s’évaporait en un brouillard chaud et puant.
    Il s’apprêtait à rebrousser chemin, vaincu par cette évidence, lorsqu’il lui sembla entendre une plainte. Un murmure de plainte. Il se figea. Tendit l’oreille : rien.
    Il avait dû rêver, à moins que ce ne fût l’écho de ces bruits infernaux qui provenaient atténués de la surface. Il avança de quelques pas pour regagner la sortie, pressé de retrouver un air plus sain. Une voix dans sa tête éclata et supplia : « Aide-moi. »
    Cette fois, il décida d’en avoir le cœur

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