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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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jour, dit-elle, chaque jour je reviendrai, riche d’autres jeux, mais, puisqu’ils ne suffisent plus, je vais te rendre ce dont je t’ai privée.
    Elle toqua à la porte et les deux gardiens s’empressèrent d’entrer.
    — Faites-la crier. Longtemps, ordonna-t-elle avec cruauté.
    Elle se plaqua contre la porte refermée pour se régaler du spectacle et Mary comprit vite, à leurs manières, qu’Emma obtiendrait ce qu’elle leur avait demandé.
     
    Trois jours durant, celle-ci revint, l’humiliant, la donnant en pâture aux geôliers au gré de ses humeurs et de ses vices, pour la briser. Mary ne céda pas. Elle supporta tout au-delà du supportable, puisque Emma avait gagné, mais jamais, jamais, elle ne s’accorda de la supplier. Elle avait compris que de son obstination et de son courage viendrait sa liberté. Emma ne tolérerait pas que son procès la prive de ce dont elle se repaissait enfin. Par le jeu même qu’elle lui imposait, elle la prenait à son propre piège. Emma se retrouvait peu à peu dominée par sa frustration. Tôt ou tard, elle serait contrainte de la faire évader pour ne pas la perdre. L’instinct de survie de Mary Read l’exhortait à se soumettre sans faillir, opposant aux fantasmes d’Emma ce sourire narquois dont elle avait crayonné ses traits.
    Dans la nuit du quatrième jour, Mary fut réveillée par le bruit des canons. Elle était épuisée, amaigrie, malade de l’eau croupie qu’on la forçait à boire, et incapable de bouger tant son corps était endolori et brisé. Elle se sentait plus forte pourtant. C’était paradoxal. Comme si le paroxysme de sa déchéance imprimait plus violemment encore en elle le désir de vivre. Elle n’était que douleur mais n’en souffrait plus, comme si son corps tout entier avait accepté le joug pour en faire un allié. Un allié qui entraînait Emma à sa perte dans ses propres extrêmes. Elle le devinait au déchirement qu’elle lisait dans ses yeux lorsqu’elle la quittait. Comme si Emma de Mortefontaine n’existait plus, ne vivait plus que pour ces heures passées en sa compagnie. Sa vengeance prenait un nouveau visage, qu’Emma ne pouvait même pas soupçonner.
    Une explosion retentit et le sol trembla sous elle. Lorsque la porte de sa cellule s’ouvrit, elle se durcit instinctivement. Elle se relâcha cependant dans un sourire en reconnaissant celui qui s’avançait, les clés de ses bracelets en main.
    — Mordiou, princesse, que t’ont-ils donc fait ? se troubla Corneille en s’empressant de la détacher.
    Elle ne répondit pas. Comprenant qu’elle était sauvée, elle s’accrocha à ce cou et, libérant enfin tout ce qu’elle avait refusé de voir, de sentir et d’entendre, se mit enfin à pleurer.

20
     
     
    —  V ite, exigea Cork.
    Les deux geôliers gisaient, la carotide tranchée. Corneille et Cork les avaient pris par surprise. Dans la salle des gardes, on ferraillait encore. Leurs compagnons s’employaient à couvrir leur retraite. Ils ne tarderaient pas à venir à bout de ceux qui restaient. L’attaque avait été brutale et imprévisible. Le temps pour les gardiens de réaliser ce qui arrivait, ils étaient quasiment défaits.
    Cork ouvrit la marche, jetant pudiquement son manteau sur le corps nu de Mary. Révélés en pleine lumière, les stigmates des sévices qu’elle avait subis amenèrent la même rage dans le regard des deux hommes. Cork descendit l’escalier qui menait au pont des Soupirs. Ils devaient le traverser pour atteindre le passage secret. Ils y avaient laissé des compagnons en arrière-garde. Tout était tranquille. L’attaque du port mobilisait l’attention du palais.
    — Rassemble les nôtres ! ordonna Cork à l’un d’eux.
    Puis il s’élança le long du corridor surplombant la lagune pour actionner le mécanisme d’ouverture de l’autre côté.
    — Les canons, murmura Mary, ballottée au bras de Corneille qui le suivait.
    — C’est Forbin. Tout va bien, la rassura-t-il.
    Mais il la sentait si faible qu’il en avait le cœur déchiré.
    Jusque-là, pourtant, tout s’était déroulé sans anicroche. Forbin avait fait exploser un bâtiment anglais dans la rade vénitienne, tandis que Cork guidait leur groupe au long des passages secrets du palais des Doges. Baletti lui en avait montré chaque emplacement, ayant en sa possession les plans originaux de la construction.
    Certains de ces passages offraient un regard direct dans les salles, à l’intérieur

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