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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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à pleins poumons la brise marine qui plaquait ses jupons contre ses cuisses et caressait la naissance arrondie de ses seins avec impertinence. Elle songea à Baletti, refusant la déchirure de son dernier regard, refusant d’imaginer que son dernier cri ait pu ressembler à celui de Niklaus. Il avait voulu la protéger, tout lui offrir. Elle se retrouvait sans rien. Mais elle s’en moquait. Sa présence, seule, lui manquerait. Elle aurait aimé connaître le secret du crâne de cristal avec lui, pour lui. Baletti disparu, cette quête n’avait plus de sens. Elle se tourna vers l’activité du navire. On le préparait à la nuit, comme une mariée qui quitterait ses dentelles pour s’offrir, vulnérable et nue. Les voiles étaient rabattues, et le cliquetis des mâts, le chuintement des drisses et des haubans fredonnaient une berceuse nonchalante. La coque de la frégate y répondait en gémissant, caressée de ressac.
    Le visage de Corneille se superposa à celui de Baletti. « Quelle que soit l’envie qui t’entraîne, elle a un goût d’océan… » Ses mots chantèrent à son oreille comme un refrain qui lui disait sa vérité. Inconsciemment, ce jour fatidique, elle avait choisi son destin dans les bras de Corneille. Elle avait dit non à Baletti. Refusé l’or, le pouvoir et les plaisirs faciles. Elle s’était souvenue dans son ventre de ce qu’elle était. Elle était Mary Read, la fille du vent et des mers. Pas celle de Cecily, pas celle de Breda, de Saint-Germain ou de Venise. Juste Mary Read.
    Elle sourit en écartant ses bras pour embrasser cette pluie d’étoiles qui lentement descendait sur la mer. Elle ne voulait plus des cours mondaines, elle ne voulait plus de faux-semblants, elle voulait l’or des navires qu’elle plierait à sa loi. Pas le trésor d’Emma de Mortefontaine, pas celui de Baletti non plus. Elle voulait ce que seuls l’océan et les abordages pouvaient lui offrir. Elle voulait vibrer en éventrant les coffres des navires, s’enrager ou s’émerveiller de leur butin. Elle voulait le rire de Junior dans les cordages et continuer longtemps à le serrer dans ses bras. Elle voulait le sel sur la peau de Corneille et partager pleinement ce qu’elle avait trahi tant de fois.
    « Tu ne seras jamais une lady », lui avait-il dit un jour.
    Il se trompait. Ses titres de noblesse, elle les gagnerait le sabre au poing.
    Oui, Mary Read était en train de renaître. Ou plutôt de naître enfin, au-delà des lois, de la vengeance et de la foi.
    Elle serait lady pirate.

21
     
     
    —  R ejoins-moi après le repas, murmura-t-elle à l’oreille de Forbin alors qu’un autre soir de septembre tombait sur l’Adriatique.
    Il hocha la tête et se concentra de nouveau sur son compas pour en terminer avec son relevé. La Perle filait douze nœuds, La Gentille et La Galatée dans son sillage dans un ensemble parfait. Ils ralliaient Brindisi. Forbin voulait y prendre ses ordres. D’après ce qu’elle avait pu en juger, Mary savait qu’ils s’approcheraient de Malte au petit jour. Sa décision était prise. Restait à l’annoncer à Forbin. Elle l’avait espéré les nuits précédentes, mais il s’était tenu à l’écart, reprenant sa place sur le navire. Sa place et une certaine distance, comme s’il avait pressenti leur séparation prochaine.
    Le souper achevé, Mary embrassa Junior discrètement et réintégra sa cabine. Forbin ne tarda pas à la rejoindre. Elle avait allumé les lampes et préparé deux verres de porto qui les attendaient sur un des chevets du lit. Mary s’y était installée, rassemblant les oreillers pour y caler son dos. Forbin vint tout naturellement s’asseoir près d’elle.
    — A quoi trinquons-nous ? demanda-t-il en souriant, découvrant les verres.
    Son œil était triste pourtant tandis qu’il s’emparait du sien.
    — A toi, à moi, à nous.
    — Tu me quittes, n’est-ce pas ?
    Elle hocha la tête. Leurs regards s’accrochèrent. Mary retrouva d’un coup dans celui de Forbin le souvenir d’une autre rupture. Il enleva cette main blanche et en embrassa la paume avec tendresse.
    — Lorsque je t’ai allongée, là, sur ce lit, inconsciente et tourmentée, l’espace d’un instant j’ai eu envie d’y croire. Et puis Junior s’est penché sur toi, t’a embrassée, les yeux gonflés de larmes, et t’a suppliée de guérir pour que vous puissiez voir danser les dauphins depuis le mât de misaine. Ensemble.
    Mary referma ses

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