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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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doigts sur ceux de Forbin.
    — Je t’aime, Mary Read. Autant et peut-être même plus qu’hier, mais tu es impossible pour moi. Nous le savons tous deux. Je t’ai vue, l’autre soir, après le dîner. Tu souriais en fixant l’horizon. J’ai empêché Junior de courir vers toi. Je crois que c’est à travers lui que j’ai appris le mieux à te connaître. A te perdre aussi.
    — Je ne t’oublierai pas, Claude.
    — Je sais. Fais ce que tu dois, Mary Read. Tu n’es pas de celles que l’on enchaîne. On ne capture pas le vent.
    — Dans les voiles, si.
    — On peut le retenir un instant pour avancer plus loin, mais on ne l’arrête pas. J’avance, moi aussi, en âge et en désillusions, mais mes plus belles courses portent ton nom, suivent le sillage de ton souffle. Je n’ai pas le droit de l’éteindre. Junior a besoin de toi. L’un et l’autre, vous avez besoin de liberté. Pas de moi.
    — J’aurai toujours besoin de toi.
    — Tu me trouveras lorsque cela te sera nécessaire tant que Dieu me prêtera vie. Je te l’ai dit, te l’ai prouvé et te le répète encore. Tu ne dois pas t’inquiéter de moi. Juste m’écrire pour me dire que tu vas. Peu m’importe où, tant que tu tiens le cap, Mary Read.
    — Je te le promets.
    — Où dois-je déposer madame et son fils ? demanda-t-il dans un sourire triste, combattant l’émotion qui les étreignait tous deux.
    — A Malte. Baletti y avait affrété un navire pour partir à la recherche du trésor. Son capitaine me conduira jusqu’au Bay Daniel.
    — Tu veux en prendre le commandement ?
    — Cork l’aurait voulu.
    Il hocha la tête.
    — C’est un beau navire. Il t’ira bien. Mais garde-toi d’y paraître en femme.
    — J’ai porté ces robes pour la dernière fois, Claude. Pour toi.
    — Prends soin de toi, Mary Read. Et de Junior, ajouta-t-il en se penchant pour déposer un baiser sur son front.
    Elle ferma les yeux et retint ce visage qui s’éloignait déjà.
    — Fais-moi oublier Emma, murmura-t-elle.
    Lorsqu’elle les rouvrit, Claude de Forbin l’embrassa.
     
    *
     
    — Corneille ! hurla Junior en agitant les bras.
    — Tiens-toi tranquille, le sermonna Mary, tu vas faire verser la barque.
    — Oui, maman, lui répliqua l’enfant sans pour autant cesser d’envoyer des signes au Bay Daniel qui se rapprochait.
    Mary n’avait pas voulu risquer que Forbin aperçoive Corneille. Elle avait quitté La Perle à Malte, récupérant l’œil de jade, son fils, et une bourse garnie de florins que son capitaine avait tenu à lui remettre. Leurs adieux avaient été brefs sur le pont, longs dans la cabine qui avait abrité leurs ébats la nuit durant.
    — Merci, lui avait-il dit en l’écoutant jouir, merci d’être de nouveau femme et de m’offrir ta résurrection.
    Elle la lui devait. Bien qu’elle ait eu le sentiment d’être guérie de ces viols à Venise, la mémoire de son corps en avait gardé la trace. Retrouver le goût du plaisir avait nécessité de la part de Forbin patience et compréhension. Mais l’un et l’autre étaient heureux de ce cadeau-là. Il donnait une éternité à leur complicité.
    — Junior ! gronda Mary plus fortement.
    Cette fois il se rassit, les joues rouges et les yeux pétillants d’excitation. La barque avait tant tangué qu’il avait failli se retrouver à l’eau.
    — Un peu de patience, petit mousse, réclama le matelot qui ramait en face de Mary.
    Junior hocha la tête en soupirant de la lenteur de la glisse, tentant de l’accélérer de sa petite main plongée dans l’eau salée.
    À Malte, un navire qui gagnait la Sicile avait accepté de les prendre à bord et de les lâcher devant la petite île de Pantelleria. Junior avait tout de suite reconnu le Bay Daniel au mouillage. Un des marins du marchand les y amenait.
    Pour tromper son attente, Junior se mit à chanter à tue-tête, espérant que sa voix atteigne le navire.
     
    Tremble matelot, par le vent et par le bord
    Tremble matelot, les canons sont au sabord
    Je prendrai ton ventre, je prendrai ton or
    Et de ma revanche, je ferai un port
    Tremble matelot…
     
    À quelques coudées du Bay Daniel, la voix rocailleuse de Corneille lui répondit. Junior se dressa et Mary éclata de rire. De ce rire qui partait de son ventre de mère. Debout sur le gaillard d’avant, Corneille les regardait arriver, un sourire d’enfant sur son visage espiègle. Prestement, il sauta les marches de l’escalier pour

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