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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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qu’il a séduite, pas Mary Read. Et elle, elle est restée à Venise.
    — Elle et toi ne faisiez qu’une, pourtant.
    — C’est compliqué, Corneille, soupira-t-elle. Moi-même, je ne sais pas vraiment ce qui se passe en moi. J’aurais dû hurler, souffrir mille morts de la sienne, me dresser contre Emma. Je l’ai fait pour Niklaus. Je n’en ai pas envie pour lui. La souffrance qu’elle m’a infligée m’a été salutaire. Comment te dire ? ajouta-t-elle en se mordant la lèvre.
    — Tu as aimé ça ? s’inquiéta Corneille.
    — D’une certaine manière, oui. Cette douleur physique m’a fait du bien. Elle a exorcisé celle de mon âme. Plus Emma voulait me faire mal, plus je me sentais en vie et forte. Tu dois me croire folle, ricana-t-elle.
    — Non. Je comprends.
    — J’aimerais pouvoir en faire autant. Je ne me sens ni salie, ni humiliée, ni vaincue, alors que j’ai été sa victime. Je devrais l’en haïr davantage, je le dois à Niklaus, à Ann et à Junior aussi. J’ai l’impression de ne plus y arriver.
    — Allons donc, la rassura Corneille en souriant. Tu la hais, je le sais, je le sens, à ton cœur qui s’enrage, à tes yeux qui s’enflamment. Je te connais, Mary. Tu la hais au-delà de la haine.
    — Cela ne veut rien dire.
    — Cela veut tout dire. C’est terminé, Mary. Je crois que tu as eu ta vengeance dans ce cachot. Si tu ne te sens pas victime, alors c’est qu’Emma l’a été à ta place.
    — Elle ne s’en relèvera pas, répliqua Mary, l’œil soudain sadique.
    — Dites donc, vous deux, les interrompit Junior, vous ne croyez pas que c’est l’heure d’aller chercher mon trésor ?
    Mary pouffa tandis que Corneille s’écartait d’elle. Junior les toisait d’un œil outré, les poings sur les hanches, une moue désapprobatrice aux lèvres, en tapotant impatiemment du pied.
    — Dis donc, matelot, reprit Corneille en l’imitant, tu ne crois pas qu’il faudrait frapper avant d’entrer chez ton capitaine ?
    — D’abord, il n’y a pas de porte, nota Junior en levant son doigt, et ensuite…
    — Ensuite quoi ? insista Corneille qui, s’étant dirigé vers lui à grands pas, le menaçait de sa stature.
    — Ensuite, chercha Junior nullement impressionné par le regard de Corneille dont il devinait le jeu, oh et puis flûte ! s’exclama-t-il en s’écartant de celui-ci pour prendre sa mère à témoin. C’était pas la peine d’avoir quitté La Perle si c’est pour rester là, voilà !
    — Qu’en dis-tu, Mary ?
    — Je dis cap sur les Caraïbes, capitaine. Nous rallions la Caroline-du-Sud.
    — Pourquoi ? Madame rêve d’une plantation de fèves de cacao ?
    Mary sourit.
    — Madame veut dire adieu. Définitivement adieu à hier.
    — Et mon trésor ? insista Junior, hermétique à leur échange.
    Elle s’approcha de lui et s’agenouilla.
    — Le monde croule de trésors, mon chéri. Et le meilleur moyen pour les transporter reste la cale d’un navire, déclara-t-elle en clignant de l’œil. J’ai bien l’intention de les y prendre.
    Junior se jeta dans ses bras, les yeux brillants.
    — Alors on part quand, maman ?
    — Dans deux jours, répondit Corneille. Le temps d’avitailler. Une aussi longue traversée doit se préparer avec soin. Nous n’aurons guère que les Canaries et la Tortue pour nous poser en chemin.
    — L’île de la Tortue ? s’étrangla Junior en s’écartant de sa mère, les yeux exaltés.
    — Comment connais-tu cette île, petit garnement ? lui demanda Mary dans un sourire.
    — Milia m’avait raconté que c’était l’endroit préféré des pirates.
    — Elle ne se trompait pas, assura Corneille.
    — Alors, ça veut dire qu’on est de vrais pirates ?
    — Avant longtemps, oui, on nous appellera comme ça.
    Junior éclata d’un rire heureux et enlaça sa mère.
    — Forbin ne va pas, mais pas du tout, aimer ça !
    Le rire de Corneille rattrapa celui de l’enfant.
    — Je crois bien qu’on ne le lui dira pas, conclut Mary en les serrant sur son cœur tous les deux à la fois.
     
    *
     
    Emma de Mortefontaine regardait amèrement ses bagages s’entasser dans la barcasse qui devait la ramener vers son navire. Elle quittait Venise comme elle avait autrefois quitté Saint-Germain-en-Laye. En sachant qu’elle n’y reviendrait pas. Cette fois, pourtant, elle était détruite. Rongée de l’intérieur par une souffrance qui ne trouvait plus aucun exutoire. Jour et nuit,

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