Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
Vom Netzwerk:
poche et en extirpa un pain de savon qu’elle gardait toujours sur elle.
    — Prends, Mamisa Edonie ! dit-elle en le lui lançant.
    La mulâtresse lâcha le garnement pour le saisir.
    — Reviens ici, beugla-t-elle, comme il en profitait pour s’évader.
    Peine perdue. Le garçonnet avait déjà détalé.
    — Que des galopins, ces mômes, gronda-t-elle.
    — Laisse-le donc aller. Et frotte bien ses pieds et ses oreilles, quand tu le rattraperas. C’est important.
    — Oui, oui, Mary. Je sais. Faut pas que la saleté pourrisse la peau.
    — C’est cela.
    — Merci, merci pour le savon, dit-elle en regagnant la case qui faisait face à Mary de l’autre côté de la placette.
    Mary ne put se retenir de sourire. Baletti avait laissé des traces de son passage près d’elle. Elle ne refusait jamais une aide qu’on lui demandait et spontanément enseignait ce qu’elle avait appris de lui sur les règles d’hygiène. Elle savait que c’était souvent inutile, mais le peu qu’elle faisait perpétuait son œuvre et éloignait le spectre des épidémies. Elle n’en avait pas pour autant fait sa mission ou son sacerdoce. Mary ne prêchait rien. Se contentant de conseiller lorsque l’occasion se présentait.
    Une nouvelle contraction lui compressa le bas-ventre. Elle ne ferait rien pour l’empêcher. C’était mieux ainsi. Elle se voyait mal s’occuper d’un nourrisson à bord et se priver du plaisir d’une chasse.
    Le souvenir d’Ann passa dans sa mémoire, furtivement. Cela lui arrivait parfois. Il n’était plus douloureux. Elle avait renoncé à vérifier les dires d’Emma de Mortefontaine dès leur première prise. C’était une petite corvette chargée de café et de vanille ; elle s’en souvenait comme si c’était hier.
    Junior avait écarquillé les yeux devant les coffres, s’imprégnant des senteurs.
    — C’est notre premier trésor ! s’était-il écrié.
    La revente leur avait offert un petit butin, partagé avec les membres de l’équipage.
    — On va en prendre d’autres, dis, maman ? avait-il ajouté, les yeux brillants.
    — Bien sûr, avait-elle répondu, sincère.
    Au soir venu, Corneille lui avait fait l’amour, excité d’elle autant que de sa prise.
    — Restons ici, avait-elle déclaré en caressant l’œil de jade à son cou.
    — Et Ann ? Ne veux-tu pas savoir ?
    — C’est fini, Corneille. Je sais déjà. Regarde Junior. Il est heureux. Je ne l’avais jamais vu ainsi. Il s’en est guéri. Moi aussi. Rouvrir la blessure serait cruel et inutile.
    — Je t’aime, Mary Read, avait conclu Corneille. Tu as fait le bon choix.
    Ils n’en avaient jamais reparlé depuis. Leur territoire de chasse était immense, et Mary avait découvert très vite un univers bien éloigné des règles de la marine. Elle avait renoncé à écrire à Forbin, certaine qu’il ne comprendrait pas. A la Tortue, on était coupé du reste du monde. Aucun courrier n’y arrivait. Aucun n’en partait. Quand ils n’y séjournaient pas, ils étaient en chasse. Bonne ou mauvaise, cela dépendait. Corneille, fidèle à ses principes, avait su toucher le cœur de ses hommes. Tous le respectaient. Il en était de même pour elle.
    Dès le premier abordage, elle en avait retrouvé le goût, la fureur. Elle avait interdit à Junior de s’y mêler, mais lui avait tracé la voie. Depuis le nid de pie où il s’était réfugié pour ne rien perdre de la scène, il avait appris le goût du sang, le vrai. Comme Mary et Niklaus, il avait hérité de ce penchant pour la bataille. Le bâtiment pris, pillé, et son équipage débarqué, il était venu rendre compte à sa mère des commentaires qu’il avait glanés.
    — Ils disent que tu es une sacrée affaire ! avait-il péroré. Ça veut dire quoi ?
    — Qu’ils ont apprécié ma façon de me battre, avait déclaré Mary.
    Corneille avait émis un petit rire et Junior avait froncé les sourcils d’un air songeur. Il avait invité celui-ci à se pencher et avait murmuré quelque chose à son oreille. Corneille lui avait répondu de même.
    — Je m’en doutais, avait affirmé Junior très sérieusement avant de serrer ses petits poings et de s’en retourner.
    — Que t’a-t-il demandé ? avait-elle lancé, intriguée.
    — S’il y avait une relation entre « une sacrée affaire » et « culbuter ».
    Mary avait blêmi et s’était précipitée sur le pont central, cueillie par le rire de Corneille. Elle avait découvert

Weitere Kostenlose Bücher