La parfaite Lumiere
Autour de
ses jambes, le bois gisait pareil à des flocons de neige.
— Rien ?
— Rien.
— Et le bois ?
— Disparu... Je n’ai pu faire
apparaître la forme de la bodhisattva.
Les mains derrière la tête, il se
sentait redescendre sur la terre après avoir été suspendu pour une durée
indéterminée entre l’illusion et l’illumination.
— ... Ça ne vaut rien du
tout. Il est temps d’oublier et de méditer.
Il se coucha sur le dos. Lorsqu’il
ferma les yeux, il lui sembla que les pensées distrayantes s’évanouissaient,
remplacées par une brume aveuglante. Progressivement, son esprit s’emplit de la
seule idée du vide infini.
La plupart des clients qui quittèrent
l’auberge, ce matin-là, étaient des marchands de chevaux qui rentraient chez
eux après le marché de quatre jours, terminé la veille. Au cours des quelques
semaines qui allaient suivre, l’auberge verrait peu de clients.
Apercevant Iori qui montait
l’escalier, la patronne l’appela du bureau.
— Qu’est-ce que vous me
voulez ? demanda Iori, qui, de sa position avantageuse, pouvait distinguer
la calvitie artistement déguisée de la femme.
— Où vas-tu donc comme
ça ?
— Là-haut, où se trouve mon
maître. Ça vous gêne ?
— Plus que tu ne saurais
croire, répliqua la femme, exaspérée. Quand donc es-tu parti d’ici, au
juste ?
Iori compta sur ses doigts, et
répondit :
— Le jour d’avant avant-hier,
je crois.
— Ça fait trois jours,
non ?
— C’est ça.
— On peut dire que tu as pris
ton temps, tu ne trouves pas ? Qu’est-ce qui s’est passé ? Un renard
t’a ensorcelé, ou quoi ?
— Comment le
savez-vous ? Vous devez être une renarde vous-même.
Riant de sa répartie, il se remit
à grimper les marches.
— Ton maître n’est plus ici.
— Je ne vous crois pas.
Il monta l’escalier quatre à
quatre, mais reparut bientôt, l’air consterné.
— ... Il a changé de
chambre ?
— Qu’est-ce qui te
prend ? Je t’ai dit qu’il est parti.
— Vraiment parti ?
demanda le garçon, alarmé.
— Si tu ne me crois pas,
regarde le registre. Tu vois ?
— Mais pourquoi ?
Pourquoi est-il parti avant mon retour ?
— Parce que tu es resté
absent trop longtemps.
— Mais... mais... dit Iori en
fondant en larmes. Où est-il allé ? Je vous en prie, dites-le-moi.
— Il ne m’a pas dit où il
allait. Je suppose qu’il t’a laissé parce que tu es un bon à rien.
Changeant de couleur, Iori
s’élança dans la rue. Il regarda vers l’est, vers l’ouest, puis vers le ciel.
Les larmes ruisselaient sur ses joues. Grattant sa calvitie avec un peigne, la
femme éclata d’un rire rauque :
— ... Arrête de brailler,
cria-t-elle. Je blaguais. Ton maître loge chez le polisseur de sabre, là-bas.
Avec humilité, Iori s’assit de
façon protocolaire aux pieds de Musashi, et, à voix basse, annonça :
— Je suis de retour.
Il avait déjà remarqué
l’atmosphère de tristesse qui planait sur la maison. Les copeaux de bois
n’avaient pas été balayés, et la lampe épuisée se trouvait à la même place que
la nuit précédente.
— ... Je suis de retour,
répéta Iori sans élever la voix.
— Qui est-ce ? murmura
Musashi en ouvrant lentement les yeux.
— Iori.
Musashi se mit promptement sur son
séant. Bien que soulagé de voir le garçon de retour sain et sauf, il
l’accueillit par un simple :
— Ah ! c’est toi.
— Je regrette d’avoir mis
aussi longtemps.
Pas de réponse.
— ... Pardonnez-moi.
Ni ses excuses, ni sa révérence
polie ne suscitèrent de réaction. Musashi serra son obi et dit :
— Ouvre les fenêtres et range
la chambre.
Il avait pris la porte avant
qu’Iori n’eût eu le temps de répondre :
— Bien, monsieur.
Musashi descendit à la chambre de
derrière, et demanda à Kōsuke des nouvelles de l’invalide.
— Il semble reposer mieux.
— Vous devez être fatigué.
Voulez-vous que je revienne après le petit déjeuner pour vous permettre de
prendre un peu de repos ?
Kōsuke répondit que c’était
inutile.
— Il y a une chose que j’aimerais
voir faite, ajouta-t-il. Je crois que nous devrions avertir l’école Obata, mais
je n’ai personne à envoyer.
Ayant proposé soit d’y aller
lui-même, soit d’envoyer Iori, Musashi regagna sa propre chambre, maintenant en
ordre. Il s’assit et demanda :
— Iori, y a-t-il une réponse
à ma
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