La parfaite Lumiere
de
suite.
— L’un des élèves de votre
école a été blessé dans un combat, dit Musashi. Il est pour le moment soigné
par le polisseur de sabres Zushino Kōsuke, que vous connaissez, je crois.
Je suis venu à la requête de Kōsuke.
— Ce doit être Shinzō !
Le jeune homme parut très
impressionné mais se domina aussitôt.
— ... Pardonnez-moi. Je suis
le fils unique de Kagenori, Yogorō. Merci de vous être donné la peine de
venir nous mettre au courant. La vie de Shinzō est en péril ?
— Il avait l’air d’aller
mieux ce matin, mais il est encore trop tôt pour le déplacer. Je crois qu’il
serait sage de le laisser pour le moment chez Kōsuke.
— Je vous serais obligé de
transmettre à Kōsuke mes remerciements.
— Je n’y manquerai pas.
— A vrai dire, étant donné
que mon père est alité, Shinzō donnait des cours à sa place jusqu’à
l’automne dernier où il est parti subitement. Comme vous le voyez, il n’y a
presque plus personne ici maintenant. Je regrette que nous ne puissions vous
recevoir comme il faut.
— Je comprends ; mais
dites-moi, y a-t-il une dissension entre votre école et Sasaki
Kojirō ?
— Oui. J’étais absent lorsque
la chose a débuté, aussi n’en connais-je pas tous les détails, mais il semble
que Kojirō ait insulté mon père, ce qui bien sûr a excité les élèves. Ils
ont pris sur eux de châtier Kojirō mais il a tué plusieurs d’entre eux. Si
je comprends bien, Shinzō est parti parce qu’il en est arrivé à la
conclusion qu’il devait lui-même tirer vengeance.
— Je vois. Je commence à
comprendre. Je voudrais vous donner un conseil. Ne vous battez pas contre
Kojirō. Les techniques ordinaires du sabre ne sauraient le vaincre, et il
est encore moins vulnérable aux stratégies astucieuses. En tant que combattant
et en tant que stratège, il est sans rival, même parmi les plus grands maîtres
aujourd’hui vivants.
Ce jugement alluma dans les yeux
de Yogorō une flamme de colère. Ce que voyant, Musashi crut prudent de
réitérer sa mise en garde :
— ... Risquer le désastre
pour un grief sans importance est absurde. Ne caressez pas l’idée que la
défaite de Shinzō vous oblige à régler son compte à son vainqueur. Si oui,
vous ne ferez que suivre le même chemin. Ce serait stupide, vraiment stupide.
Quand Musashi fut hors de vue, Yogorō
s’adossa au mur, les bras croisés. Doucement, d’une voix un peu tremblante, il
murmura :
— Penser que les choses en
sont arrivées là ! Même Shinzō a échoué !
Levant au plafond des yeux vides,
il songeait à la lettre que Shinzō avait laissée pour lui, où il déclarait
que s’il partait c’était pour tuer Kojirō et que s’il n’y réussissait pas Yogorō
ne le reverrait sans doute jamais vivant. Que Shinzō ne fût pas mort ne
rendait pas sa défaite moins humiliante. L’école ayant été forcée de suspendre
ses activités, le gros du public en avait conclu que Kojirō était dans le
vrai : l’académie Obata était une école de lâches, ou au mieux de
théoriciens dépourvus d’aptitudes pratiques. Ce qui avait provoqué la désertion
de certains élèves. D’autres, pleins d’appréhension à cause de la maladie de
Kagenori ou à cause de l’apparent déclin du style Kōshū, étaient passés
au style rival Naganuma.
Yogorō décida de ne pas
mettre son père au courant de l’affaire Shinzō. Il semblait qu’il n’y eût
pour lui qu’une chose à faire : soigner son père le mieux possible, bien
que le médecin ne crût pas à la guérison.
— Yogorō, où
es-tu ?
Yogorō s’étonnait toujours
que Kagenori, quoique aux portes de la mort, eût la voix d’un homme en parfaite
santé sitôt qu’il appelait son fils.
— Je viens.
Il courut à la chambre du malade,
tomba à genoux et dit :
— ... Tu m’as appelé ?
Ainsi qu’il faisait souvent
lorsqu’il était las d’être couché à plat sur le dos, Kagenori s’était appuyé à
la fenêtre en se servant de son oreiller comme d’un accoudoir.
— Qui donc était le samouraï
qui vient de sortir par le portail ? demanda-t-il.
— Euh... fit Yogorō, un
peu nerveux. Ah ! lui... Personne d’important. Un simple messager.
— Un messager venu
d’où ?
— Mon Dieu, il semble que Shinzō
ait eu un accident. Le samouraï est venu nous le dire. Il a donné son
nom : Miyamoto Musashi.
— Hum... Il n’est pas natif
d’Edo, n’est-ce
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