La parfaite Lumiere
veux me faire croire que ce n’est pas Musashi qui vous a
attaqués ?
— Pas... pas... Musa...
— Qui donc était-ce ?
A cette question, jamais Koroku ne
répondrait. La tête en feu, Kojirō courut à Jūrō et le tira par
le col rouge et poisseux de son kimono.
— Jūrō, dis-moi...
Qui a fait ça ? De quel côté est-il parti ?
Mais au lieu de répondre, Jūrō
se servit de son dernier souffle pour dire en pleurant :
— Mère... pardon... n’aurais
pas dû...
— De quoi parles-tu ?
dit Kojirō d’un ton de mépris en lâchant le vêtement sanglant.
— Kojirō !
Kojirō, c’est vous ?
Il courut en direction de la voix
d’Osugi pour trouver la vieille femme couchée, impuissante, dans un fossé, de
la paille et des pelures de légumes collées à son visage et à ses cheveux.
— ... Tirez-moi de là,
suppliait-elle.
— Que faites-vous dans cette
eau dégoûtante ?
Kojirō, le ton plus irrité
que compatissant, la traîna sans cérémonie jusque sur la route où elle
s’effondra comme un chiffon.
— Où est passé l’homme ?
demanda-t-elle.
— Quel homme ? Qui vous
a attaquée ?
— Je ne sais pas ce qui est
arrivé au juste, mais je suis sûre que c’était l’homme qui nous suivait.
— Vous a-t-il attaquée
brusquement ?
— Oui ! Tombé de nulle
part, comme une rafale de vent. Pas le temps de dire ouf. Il a bondi hors de
l’ombre, et a d’abord eu raison de Jūrō. Le temps de dégainer, Koroku
était blessé, lui aussi.
— De quel côté est-il
allé ?
— Il m’a repoussée de telle
sorte que je ne l’ai même pas vu, mais ses pas allaient par là.
Elle désignait la rivière.
Kojirō traversa en courant un terrain vague où se tenait le marché aux
chevaux, parvint à la digue de Yanagihara, et s’arrêta pour regarder autour de
lui. A quelque distance, il voyait des piles de bois de charpente, des lumières
et des gens. En se rapprochant, il constata que c’étaient des porteurs de palanquin.
— Mes deux compagnons ont été
terrassés dans une rue écartée, près d’ici, déclara-t-il. Je veux que vous les
ramassiez pour les emporter chez Hangawara Yajibei, dans le quartier des
charpentiers. Vous trouverez avec eux une vieille femme. Emmenez-la aussi.
— Ils se sont fait attaquer
par des voleurs ?
— Il y a des voleurs, par
ici ?
— Des tas. Nous-mêmes devons
faire attention.
— L’inconnu doit avoir
débouché en courant de ce coin, là-bas. Vous n’avez vu personne ?
— Maintenant, vous voulez
dire ?
— Oui.
— Je pars, dit le porteur.
Lui et les autres soulevèrent
trois palanquins et se disposèrent à partir.
— Et le prix de la
course ? demanda l’un d’eux.
— Faites-vous payer en
arrivant là-bas.
Kojirō effectua de rapides
recherches sur la berge et autour des tas de bois, en concluant qu’il eût mieux
fait de retourner chez Yajibei. Il n’était guère utile de rencontrer Musashi
sans Osugi ; il paraissait aussi peu sage d’affronter cet homme dans l’état
d’esprit où il se trouvait.
En revenant sur ses pas, il
parvint à un brise-feu à côté duquel poussait une rangée de paulownias. Il la
regarda quelques instants puis, comme il se détournait, vit parmi les arbres
luire une lame. Avant qu’il eût eu le temps de dire ouf, une demi-douzaine de
feuilles tombèrent. Le sabre l’avait visé à la tête.
— ... Lâche !
vociféra-t-il.
— Non ! répondit-on,
tandis que le sabre frappait une seconde fois hors des ténèbres.
Kojirō tourbillonna sur
lui-même et sauta en arrière de deux bons mètres.
— ... Si vous êtes Musashi,
pourquoi ne procédez-vous pas de façon convena...
Il n’avait pas eu le temps
d’achever que le sabre était de nouveau sur lui.
— ... Qui êtes-vous ?
cria-t-il. Ne faites-vous pas erreur ?
Il réussit à éviter un troisième
coup, et l’assaillant, tout hors d’haleine, se rendit compte avant d’en tenter
un quatrième qu’il gaspillait ses efforts. Changeant de tactique, il s’avança,
centimètre par centimètre, sa lame tendue devant lui. Ses yeux lançaient des
éclairs.
— Silence, gronda-t-il. Il
n’y a pas la moindre erreur. Mon nom te rafraîchira peut-être la mémoire. Je
suis Hōjō Shinzō.
— L’un des élèves d’Obata,
n’est-ce pas ?
— Tu as insulté mon maître,
et tué plusieurs de mes camarades.
— D’après le code du
guerrier, tu es libre de me provoquer ouvertement
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