La parfaite Lumiere
toucher une avance de trente
pièces d’or.
Il rentra chez lui, s’assoupit et
se réveilla quelques heures plus tard avec, dansant devant ses yeux, l’image de
la forte somme qui serait bientôt sienne.
Beaucoup d’argent, assez pour
compenser toute la malchance qu’il avait connue jusqu’alors. Assez pour lui
durer jusqu’à la fin de ses jours. Plus exaltante encore était la perspective
de pouvoir montrer aux gens qu’ils se trompaient à son propos.
En proie à la fièvre de l’or, il
n’arrivait pas à se calmer. Sa bouche restait sèche. Il sortit dans l’allée
déserte, face au bosquet de bambous derrière la maison, et se dit :
« Qui est-il ? Qu’a-t-il au juste derrière la tête ? » Puis
il se remémora sa conversation avec Daizō.
Les puisatiers travaillaient
présentement au Goshinjō, le nouveau château de l’enceinte ouest. Daizō
lui avait dit : « Vous devrez guetter l’occasion, puis abattre le
nouveau shōgun avec un mousquet. » L’arme et les munitions seraient
dans l’enceinte du château, sous un énorme caroubier séculaire, près du portail
du fond, au pied de la colline de Momiji.
Il va sans dire que les ouvriers
étaient étroitement surveillés, mais Hidetada aimait inspecter les travaux avec
sa suite. La mission serait assez facile à accomplir. A la faveur du désordre
qui s’ensuivrait, Matahachi pourrait s’enfuir en sautant dans le fossé
extérieur, duquel Daizō et ses complices le tireraient... « sans
faute », avait-il assuré.
De retour dans sa chambre,
Matahachi contempla le plafond. Il avait l’impression d’entendre la voix de Daizō
chuchoter encore et encore certains mots, et se rappelait comment ses propres
lèvres avaient tremblé quand il avait dit : « Oui, je le ferai. »
Il eut la chair de poule et se releva d’un bond. « C’est
épouvantable ! Je vais de ce pas lui déclarer que je ne veux pas tremper
là-dedans. »
Alors, il se rappela d’autres
paroles de Daizō : « Maintenant que je vous ai dit tout ça, vous
êtes engagé. Je serais navré qu’il vous arrivât malheur, mais si vous tentez de
reculer, mes amis auront votre tête dans les... mettons, trois jours au
maximum. » Le regard perçant de Daizō, lorsqu’il avait prononcé ces
mots, étincelait devant les yeux de Matahachi.
Ce dernier parcourut à pied la
brève distance qui menait, par l’allée de Nishikubo, à l’angle de la
grand-route de Takanawa, où se dressait le bureau de prêts sur gages. La baie,
enveloppée de ténèbres, s’étendait à l’extrémité d’une rue de traverse.
Matahachi pénétra dans le chemin qui longeait l’entrepôt familier, se rendit à
la discrète porte du fond de la boutique, et frappa doucement.
— Ce n’est pas fermé à clé,
répondit-on aussitôt.
— Daizō ?
— Oui. Content que vous soyez
venu. Allons dans l’entrepôt.
Un volet avait été laissé ouvert.
Matahachi pénétra dans le corridor extérieur et suivit le prêteur sur gages.
— ... Asseyez-vous, dit Daizō
en posant une chandelle sur un long coffre à vêtements.
Il s’assit lui-même, croisa les
bras et demanda :
— ... Vous avez vu
Umpei ?
— Oui.
— Quand vous emmènera-t-il au
château ?
— Après-demain, jour où il
doit y conduire dix nouveaux ouvriers. Il a dit qu’il m’inclurait dans le lot.
— Alors, tout est au point ?
— Mon Dieu, il nous reste à
obtenir du chef de district et des cinq hommes de l’association locale qu’ils
apposent leurs sceaux sur les papiers.
— Aucune difficulté. Il se
trouve que je fais partie de l’association.
— Vraiment ? Vous ?
— Qu’y a-t-il de tellement
surprenant à cela ? Je suis l’un des hommes d’affaires les plus influents
du voisinage. Au printemps dernier, le chef a insisté pour que je fasse partie
de l’association.
— Oh ! ce n’est pas que
ça me surprenait. Je... je ne savais pas, voilà tout.
— Ha ! ha ! Je sais
exactement ce que vous pensiez. Vous pensiez qu’il était scandaleux pour un
homme tel que moi d’être membre d’un comité qui s’occupe des affaires du
quartier. Eh bien, permettez-moi de vous dire une chose : si vous avez de
l’argent, tout le monde vous déclarera un homme comme il faut. Impossible
d’éviter de devenir un chef local, même si l’on essayait. Réfléchissez-y
Matahachi. D’ici peu, vous roulerez sur l’or, vous aussi.
— Ou-ou-i, bégaya Matahachi,
qui ne put
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