La parfaite Lumiere
bruit ; quand Osugi entendit leurs pas, elle courut
vers eux.
— Matahachi ? Est-ce que
l’un de vous...
Ils l’entourèrent et lui lièrent les
bras derrière le dos.
— ... Qu’est-ce que vous me
faites ? s’écria-t-elle, furieuse. Et d’abord, qui êtes-vous ?
— Nous sommes des élèves de
l’école Ono.
— Je ne connais personne de
ce nom.
— Vous n’avez jamais entendu
parler d’Ono Tadaaki, instructeur du shōgun ?
— Jamais.
— Comment, espèce de
vieille...
— Attends. Voyons ce qu’elle
sait de Matahachi.
— Je suis sa mère.
— Vous êtes la mère de
Matahachi, le marchand de pastèques ?
— Que voulez-vous dire,
espèce de porc ? Marchand de pastèques ! Matahachi descend de la
Maison de Hon’iden, famille importante de la province de Mimasaka. Sachez que
les Hon’iden sont d’importants serviteurs de Shimmen Munetsura, seigneur du
château de Takeyama, à Yoshino.
— Assez sur ce chapitre, dit
l’un des hommes.
— Que faire ?
— La soulever et l’emporter.
— En otage ? Crois-tu
que ça marchera ?
— Si elle est sa mère, il
faudra bien qu’il vienne la chercher.
Osugi rassembla ses maigres forces
pour se battre comme une tigresse, mais en vain.
En proie à l’ennui et à l’insatisfaction
depuis plusieurs semaines, Kojirō avait pris l’habitude de beaucoup
dormir, de jour comme de nuit. Pour le moment, couché sur le dos, il grommelait
à part soi en serrant son épée contre son cœur :
« Assez laissé pleurer ma
« Perche à sécher ». Une pareille épée, un pareil homme d’épée...
pourrir dans la maison d’un autre ! »
Il y eut un violent cliquetis et
un éclair métallique.
— Imbécile !
L’arme décrivit un grand arc de
cercle au-dessus de lui, et se glissa de nouveau dans son fourreau comme un être
vivant.
— Magnifique ! s’exclama
un serviteur, du bord de la véranda. Etes-vous en train de vous exercer à
frapper couché sur le dos ?
— Ne sois pas stupide,
répondit avec mépris Kojirō.
Il se retourna sur le ventre,
ramassa deux petits fragments et les lança vers la véranda.
— ... Il me gênait.
Le serviteur écarquilla les yeux.
L’insecte, un genre de papillon de nuit, avait eu ses deux ailes tendres et son
corps minuscule bien proprement tranchés en deux.
— ... Tu viens préparer mon
lit ? demanda Kojirō.
— Oh ! non !
Pardon ! Il y a une lettre pour vous.
Sans se presser, Kojirō
déplia la lettre et se mit à lire. Au fur et à mesure, son visage exprimait une
certaine excitation. D’après Yajibei, Osugi n’avait pas reparu depuis la veille
au soir. Kojirō était prié de venir aussitôt conférer d’un plan d’action.
La lettre expliquait de manière
assez détaillée comment ils avaient appris où se trouvait la vieille femme.
Yajibei l’avait fait rechercher toute la journée par l’ensemble de ses hommes,
mais le nœud de l’affaire était le message laissé au Donjiki par Kojirō.
L’on avait barré ce message, et inscrit en marge : « A Sasaki Kojirō.
La personne qui garde prisonnière la mère de Matahachi est Hamada Toranosuke,
de la Maison d’Ono. »
— Enfin, dit Kojirō
d’une voix gutturale.
Au moment où il avait secouru
Matahachi, il avait soupçonné les deux samouraïs qu’il avait abattus d’avoir un
lien quelconque avec l’école Ono. Il gloussa de joie et dit :
— ... Exactement ce que
j’attendais.
Debout sur la véranda, il leva les
yeux vers le ciel nocturne. Il y avait des nuages, mais la pluie ne paraissait
pas menacer. Très peu de temps après, on le vit monter la grand-route de Takanawa
sur un cheval de louage. Il était tard lorsqu’il atteignit la maison Hangawara.
Après avoir interrogé Yajibei en détail, il résolu de dormir là et de passer à
l’action le lendemain matin.
Ono Tadaaki avait reçu son nouveau
nom peu de temps après la bataille de Sekigahara. C’était sous le nom de
Mikogami Tenzen qu’il avait été convoqué au camp de Hidetada pour donner des
cours d’escrime, ce qu’il fit avec distinction. En même temps que son nouveau
nom, il reçut sa nomination de vassal direct des Tokugawa et une résidence
nouvelle sur la colline de Kanda, à Edo.
Cette colline offrait une vue
magnifique sur le mont Fugi ; le shōgunat la désigna donc comme
quartier résidentiel pour les vassaux de Suruga, la province où était situé le
mont Fuji.
— L’on m’a dit que la
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