La parfaite Lumiere
samouraïs. Iori ne
savait qu’en penser, et il n’en avait guère le temps.
— Sale mioche ! dit
Osugi, puis elle lui donna un coup de canne en travers de l’épaule.
Il se mit en garde, tout en
sachant que la partie était désespérément inégale.
— ... Musashi n’a que les
meilleurs disciples. Ha ! L’on me dit que tu es l’un d’entre eux.
— Vous... vous ne devriez pas
parler comme ça.
— Ah ! vraiment ?
— Je... je n’ai rien à faire
avec vous.
— Mais si, mais si. Tu vas
nous dire deux ou trois petites choses. Qui t’a chargé de nous suivre ?
— De vous suivre ?
demanda Iori avec un reniflement de mépris.
— Comment oses-tu me parler
sur ce ton ? glapit la vieille femme. Musashi ne t’a donc pas enseigné les
bonnes manières ?
— Je me passe de vos leçons.
Je m’en vais.
— Que non ! s’écria
Osugi en l’attrapant par le tibia avec sa canne.
— Aï-ï-ïe ! cria Iori,
qui s’étala.
Des serviteurs empoignèrent le
jeune garçon qu’ils traînèrent à la boutique du meunier, près de la porte du
village, où était assis un samouraï, visiblement de haut rang. Il avait fini de
manger. Devant l’infortune d’Iori, il eut un large sourire.
« Dangereux », se dit le
jeune garçon tandis que ses yeux rencontraient ceux de Kojirō. Avec une
expression de triomphe, Osugi avança le menton pour s’écrier :
— Voyez ! Je ne m’étais
pas trompée : c’était bien Iori. Qu’est-ce que Musashi est en train de
tramer, maintenant ? Qui d’autre pourrait l’avoir envoyé pour nous
suivre ?
— Hum, marmonna Kojirō
en hochant la tête et en renvoyant ses acolytes, dont l’un demanda s’il voulait
qu’on ligotât le garçon.
Kojirō sourit et secoua la
tête. Sous l’emprise des yeux de Kojirō, Iori était incapable de se tenir
droit, à plus forte raison de s’enfuir. Kojirō prit la parole :
— Tu as entendu ce qu’elle a
dit. C’est vrai ?
— Non ; je suis sorti
pour une simple promenade à cheval. Je ne vous suivais pas, ni personne
d’autre.
— Hum, c’est bien possible.
Si Musashi est un samouraï digne de ce nom, il ne recourt pas à des ruses
mesquines.
Puis Kojirō se mit à
réfléchir à voix haute :
— ... En revanche, s’il
apprenait que nous sommes brusquement partis en voyage avec un contingent de
samouraïs de Hosokawa, il risquerait d’avoir des soupçons et d’envoyer quelqu’un
pour surveiller nos mouvements. Cela serait tout naturel.
Le changement survenu dans la
situation de Kojirō était frappant. La mèche du devant avait
disparu ; son crâne était rasé à la mode propre aux samouraïs. Au lieu des
habits voyants qu’il avait coutume de porter, il était vêtu d’un kimono tout
noir qui, avec son hakama rustique, lui donnait une allure très traditionnelle.
La « Perche à sécher », il la ceignait maintenant au côté. Son espoir
de devenir un vassal de la Maison de Hosokawa s’était réalisé – non
pour les cinq mille boisseaux qu’il avait désirés mais pour une solde d’environ
la moitié.
Cette troupe de samouraïs,
commandée par Kakubei, était une avant-garde qui se rendait à Buzen afin de
préparer le retour de Hosokawa Tadatoshi. En pensant à l’âge de son père, il
avait présenté sa requête au shōgunat depuis longtemps déjà.
L’autorisation avait fini par lui être accordée, indice que le shōgunat ne
doutait pas du loyalisme des Hosokawa.
Osugi avait demandé à les
accompagner car elle éprouvait un désir impératif de rentrer chez elle. Elle
n’avait pas renoncé à son rang de chef de famille, et pourtant, cela faisait
presque dix ans qu’elle était absente. L’oncle Gon aurait pu la remplacer s’il
avait vécu. En l’état des choses, elle soupçonnait qu’un certain nombre
d’affaires de famille la requéraient.
Ils passeraient par Osaka, où elle
avait laissé les cendres de l’oncle Gon. Elle pourrait les porter au Mimadaka,
et célébrer un service funèbre. Cela faisait longtemps également qu’elle
n’avait célébré de service en mémoire de ses ancêtres négligés. Une fois
réglées ses affaires domestiques, elle pourrait reprendre sa quête.
Récemment, elle avait été contente
d’elle, croyant avoir frappé un grand coup contre Musashi. En apprenant par
Kojirō sa recommandation, elle était d’abord tombée dans un état d’extrême
dépression. Si Musashi devait recevoir cette nomination, il lui
Weitere Kostenlose Bücher