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La parfaite Lumiere

La parfaite Lumiere

Titel: La parfaite Lumiere Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eiji Yoshikawa
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échapperait
d’autant plus.
    Elle avait pris sur elle d’éviter
ce désastre au shōgunat et à la nation. Elle n’avait pas vu Takuan, mais
s’était rendue à la Maison de Yagyū aussi bien qu’à la Maison de Hōjō,
dénonçant Musashi, prétendant que ce serait une dangereuse folie que de
l’élever à un poste important. Non contente de cela, elle avait réitéré ses
calomnies chez tous les ministres du gouvernement dont les serviteurs lui
permettaient de franchir le portail.
    Bien entendu, Kojirō ne
faisait rien pour l’en empêcher ; mais il ne l’encourageait pas non plus,
sachant qu’elle n’aurait de cesse d’aller au bout de son entreprise. Et elle y
allait : elle écrivit même des lettres diffamatoires sur le passé de
Musashi, qu’elle jeta chez le Commissaire d’Edo et chez les membres du Conseil
des Anciens. Kojirō en personne se demanda si elle n’allait pas trop loin.
    Kojirō encouragea Osugi à
faire le voyage : il estimait que cela vaudrait mieux pour lui qu’elle fût
de retour dans un pays où elle ne pourrait faire qu’un minimum de mal. Si Osugi
avait un quelconque regret, c’était seulement que Matahachi ne l’accompagnât
pas car elle demeurait persuadée qu’un jour il lui reviendrait.
    Iori ne pouvait savoir tout cela.
Incapable de fuir, répugnant à pleurer de crainte de discréditer Musashi, il se
sentait pris au piège par l’ennemi.
    Délibérément, Kojirō fixa le
garçon dans les yeux ; à sa surprise, l’autre soutint ce regard.
    — Avez-vous un pinceau et de
l’encre ? demanda Kojirō à Osugi.
    — Oui, mais l’encre est toute
sèche. Pourquoi ?
    — Je veux écrire une lettre.
Les pancartes apposées par les hommes de Yajibei n’ont pas débusqué Musashi, et
je ne sais où il se trouve. Iori est le meilleur messager que l’on puisse
rêver. Je crois que je devrais envoyer à Musashi un mot à l’occasion de mon
départ d’Edo.
    — Qu’allez-vous écrire ?
    — Rien de bien compliqué. Je
vais lui dire de s’entraîner au sabre pour venir me voir à Buzen un de ces
jours, et lui faire savoir que j’accepte de l’attendre tout le restant de ma
vie. Il pourra venir dès qu’il aura la confiance en soi nécessaire.
    Osugi, horrifiée, leva les bras au
ciel :
    — Comment pouvez-vous parler
ainsi ? Le restant de votre vie, vraiment ? Je n’ai pas autant de
temps à attendre. Je dois voir Musashi mort dans les deux ou trois années à
venir, tout au plus.
    — Remettez-vous-en à moi. Je
m’occuperai de votre affaire en même temps que de la mienne.
    — Vous ne voyez donc pas que
je vieillis ? Il faut que cela se fasse pendant que je suis encore en vie.
    — Si vous prenez bien soin de
vous-même, vous serez là quand mon invincible épée fera son œuvre.
    Kojirō prit le nécessaire à
écrire et se rendit à un ruisseau proche où il mouilla son doigt pour humecter
le bâton d’encre. Toujours debout, il tira du papier de son kimono. Il écrivait
rapidement, mais sa calligraphie et sa composition étaient celles d’un expert.
    — Vous pouvez cacheter avec
ceci, dit Osugi en prenant quelques grains de riz cuit qu’elle posa sur une
feuille.
    Kojirō les écrasa entre ses
doigts, étala la substance au bord de sa lettre, qu’il scella. Au dos, il
inscrivit : « De Sasaki Ganryū, vassal de la Maison de
Hosokawa. »
    — Viens, toi. Je ne te ferai
pas de mal. Je veux que tu portes cette lettre à Musashi. Remets-la-lui bien
car elle est importante.
    Iori hésita un moment, puis grogna
son assentiment et arracha la missive de la main de Kojirō.
    — Qu’est-ce qu’il y a d’écrit
dedans ?
    — Rien que ce que j’ai dit à
la vieille dame.
    — Je peux regarder ?
    — Tu ne dois pas rompre le
cachet.
    — Si vous avez écrit quelque
chose d’insultant, je ne m’en chargerai pas.
    — Il n’y a rien de grossier
dedans. Je le prie de se rappeler notre promesse, et lui fais part de mon
impatience de le revoir, peut-être à Buzen, si par hasard il s’y rend.
    — Que voulez-vous dire par
« le revoir » ?
    — Je veux dire : le
rencontrer à la frontière entre la vie et la mort, répondit Kojirō dont
les joues rosirent.
    Fourrant la lettre dans son
kimono, Iori déclara : « Bon, je la remettrai », et s’éloigna à
toutes jambes. A une trentaine de mètres de distance, il s’arrêta, se retourna
et tira la langue à Osugi.
    — ... Vieille folle ! Vieille
sorcière !

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