La parfaite Lumiere
façon
poignante : « Les logis des prêtres et les temples montagnards ont
tous été balayés. La perte est incalculable. »
Gonnosuke écoutait humblement,
respectueusement. Iori, qu’impressionnait la gravité du ton de Kōetsu, ne
pouvait détacher les yeux du visage de cet homme. Ce dernier respira profondément
et reprit :
— ... Tout, ici, est une
relique de cette époque. Le mausolée est la dernière demeure de l’empereur Kōgon.
Depuis le déclin des Ashikaga, rien n’a été entretenu comme il faut. Voilà pourquoi
nous avons décidé, ma mère et moi, de faire un peu de ménage en signe de
respect.
Content de l’attention de son
auditoire, Kōetsu chercha les mots capables d’exprimer son émotion
sincère :
— ... Alors que nous
balayions, nous avons trouvé une pierre avec un poème gravé dessus, peut-être
par un prêtre-soldat de ce temps-là. Cela disait :
La
guerre aura beau durer
Même
un siècle,
Le
printemps reviendra.
Vivez
avec une chanson dans le cœur,
Vous,
les sujets de l’empereur.
« Songez au courage, à la
grandeur d’âme qu’il fallait à un simple soldat, après s’être battu des années,
voire des décennies, afin de protéger l’empereur, pour pouvoir se réjouir et
chanter. Je suis certain que c’est parce que l’esprit de Masashige était passé
en lui. Bien qu’un siècle de combats se soit écoulé, ce lieu reste un monument
élevé à la dignité impériale. N’est-ce pas là quelque chose dont nous devrions
être bien reconnaissants ?
— Je ne savais pas que
c’était le site d’une bataille sacrée, dit Gonnosuke. J’espère que vous me
pardonnerez mon ignorance.
— Je suis content d’avoir eu
l’occasion de partager avec vous quelques-unes de mes idées sur l’histoire de
notre pays.
Tous quatre descendirent la
colline ensemble. Au clair de lune, leurs ombres paraissaient ténues,
immatérielles. En passant devant le réfectoire, Kōetsu dit :
— ... Nous sommes ici depuis
sept jours. Nous partons demain. Si vous rencontrez Musashi, veuillez lui dire
de revenir nous voir.
Gonnosuke lui assura qu’il n’y
manquerait pas.
Le cours d’eau rapide et peu
profond qui longeait le mur d’enceinte du temple ressemblait à un fossé
naturel, enjambé par un pont à chaussée en terre battue.
A peine Gonnosuke et Iori
avaient-ils mis le pied sur le pont qu’une imposante silhouette blanche armée
d’un gourdin sortit de l’ombre et s’élança derrière Gonnosuke, lequel évita
l’attaque en s’écartant ; mais Iori fut jeté à bas du pont.
L’homme dépassa Gonnosuke et se précipita
sur la route. Il se retourna et se mit en garde, sur ses jambes robustes comme
de petits troncs d’arbres. Gonnosuke vit que c’était le prêtre qui le suivait
la veille.
— Qui êtes-vous ? cria
Gonnosuke.
Le prêtre ne répondit pas.
Gonnosuke brandit son gourdin et cria :
— ... Qui êtes-vous ?
Pour quelle raison vous attaquez-vous à Musō Gonnosuke ?
Le prêtre fit la sourde oreille.
Ses yeux lançaient des flammes tandis que ses orteils, saillant des lourdes
sandales de paille, s’avançaient centimètre par centimètre.
Gonnosuke grondait et jurait à
mi-voix. Ses membres courts et pesants gonflés par la volonté de combattre, lui
aussi s’avançait centimètre par centimètre.
Le bâton du prêtre se cassa en
deux avec un craquement sonore. Une partie vola dans les airs : le prêtre
précipita l’autre de toutes ses forces au visage de Gonnosuke. Il le
manqua ; mais tandis que Gonnosuke reprenait son équilibre, son adversaire
tirait son sabre et sautait sur le pont.
— Espèce de salaud !
cria Iori.
Le prêtre, le souffle coupé, porta
la main à son visage. Les petites pierres lancées par Iori avaient atteint leur
but ; l’une l’avait frappé en plein dans l’œil. Il tourbillonna sur
lui-même et s’enfuit sur la route.
— ... Arrête ! cria Iori
en grimpant sur la berge, la main pleine de cailloux.
— Laisse, dit Gonnosuke,
prenant le bras d’Iori.
— Ça lui apprendra, triompha
Iori, qui lança les pierres en direction de la lune.
Peu après qu’ils furent rentrés
chez Tōroku et se furent couchés, une bourrasque se leva. Le vent rugissait
à travers les arbres, menaçait d’arracher le toit, mais ce n’était pas la seule
chose qui les empêchait de s’endormir.
Gonnosuke demeurait éveillé, à
songer au passé et au présent, à se demander si le
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