La parfaite Lumiere
à
prendre avec lui une tasse de thé.
— C’est fort aimable de sa
part, répondit Sado.
Il fronça un instant le sourcil,
puis dit à Nuinosuke :
— ... Je crois que nous
devrions accepter, tu ne crois pas ?
— Oui, monsieur, répondit
Nuinosuke sans enthousiasme.
— Il est encore assez tôt
dans la journée, dit Daisuke, mais mon père serait honoré si vous passiez la
nuit sous notre toit.
Sado eut un moment
d’hésitation : il se demandait s’il était sage d’accepter l’hospitalité
d’un homme considéré comme un ennemi des Tokugawa ; puis il acquiesça de
la tête et répondit :
— Nous pourrons décider cela
plus tard, mais je serais enchanté de prendre une tasse de thé avec votre père.
Tu es d’accord, Nuinosuke ?
— Oui, monsieur.
Nuinosuke paraissait un peu
nerveux ; mais en se mettant en route derrière Daisuke, maître et
serviteur échangèrent des coups d’œil d’intelligence.
A partir du village du mont Kudo,
ils grimpèrent un peu plus haut à flanc de montagne jusqu’à une résidence
située à l’écart des autres maisons. Le terrain, entouré d’un mur bas de pierre
surmonté d’une clôture, évoquait la demeure à demi fortifiée d’un seigneur de
la guerre provincial de moindre importance ; mais en fin de compte, on
avait une impression de raffinement plutôt que d’efficacité militaire.
— Mon père est là-bas, près
de ce bâtiment couvert de chaume, déclara Daisuke alors qu’ils franchissaient
le portail.
Il y avait un petit jardin
potager, suffisant pour fournir en oignons et en légumes verts les soupes du
matin et du soir. La maison principale se dressait devant une falaise ;
près de la véranda latérale s’étendait un bosquet de bambou, au-delà duquel on
devinait deux autres maisons.
Nuinosuke s’agenouilla sur la
véranda, à l’extérieur de la pièce où l’on introduisit Sado. Ce dernier s’assit
et remarqua :
— Quel calme !
Quelques minutes plus tard, une
jeune femme qui paraissait être l’épouse de Daisuke servit le thé et se retira.
En attendant son hôte, Sado
contempla la vue : le jardin et la vallée. Au-dessous était le village, et
au loin le bourg de Kamuro. Des fleurs minuscules s’épanouissaient sur la
mousse accrochée au toit de chaume en surplomb, et l’on respirait l’agréable
parfum d’un encens rare. Bien qu’il ne pût le voir, Sado entendait le ruisseau
qui traversait le boqueteau de bambou.
La pièce elle-même donnait un
sentiment d’élégance discrète ; elle rappelait sans emphase que le
possesseur de cette demeure sans prétention était le deuxième fils de Sanada Masayuki,
seigneur du château d’Ueda et bénéficiaire d’un revenu de cent quatre-vingt-dix
mille boisseaux.
Les montants et les poutres
étaient fins, le plafond bas. Derrière la petite alcôve rustique, le mur était
de simple argile rouge. L’arrangement floral, dans l’alcôve, consistait en un
seul rameau de fleurs de poirier dans un mince vase de céramique jaune et vert
pâle. Sado songeait à la « solitaire fleur de poirier baignée par la pluie
printanière » de Po Chü-i, et à l’amour qui unissait l’empereur de Chine
et Yang Kuei-fei, ainsi que le raconte le Chang He Ke. Il avait
l’impression d’entendre un sanglot silencieux.
Son regard se posa sur le rouleau
mural accroché au-dessus de l’arrangement floral. Les caractères, gros et
naïfs, formaient « Hōkoku Daimyōjin », nom donné à
Hideyoshi lorsqu’il fut élevé au rang de dieu après sa mort. D’un côté, une
note en caractères beaucoup plus petits indiquait que c’était l’œuvre du fils
de Hideyoshi, Hideyori, à l’âge de huit ans. Trouvant discourtois envers la
mémoire de Hideyoshi de tourner le dos au rouleau, Sado changea légèrement de
place. Ce faisant, il se rendit soudain compte que l’agréable odeur provenait
non d’un encens qui brûlait au moment même, mais des murs et du shoji qui
devaient avoir absorbé l’arôme alors que l’encens était disposé là matin et
soir pour purifier la pièce en l’honneur de Hideyoshi. Vraisemblablement, il
était fait aussi une offrande quotidienne de saké, comme pour les divinités
shinto établies.
« Ah ! pensa-t-il,
Yukimura a bien envers Hideyoshi la dévotion que l’on dit. » Ce qu’il
n’arrivait pas à comprendre, c’est pourquoi Yukimura ne cachait pas le rouleau.
Il avait la réputation d’être un homme imprévisible, un
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