La parfaite Lumiere
sortirent sur le palier, et
frappèrent dans leurs mains pour appeler. Ils durent répéter plusieurs fois la
manœuvre avant qu’elle ne reparût.
— ... Elle n’est pas là,
celle que vous demandiez, dit Onao.
— Elle était là il y a
quelques minutes à peine.
— C’est curieux, tout comme
je le disais au maître. Nous étions au col de Kobotoke ; le samouraï qui
vous accompagne est arrivé sur la route, et elle est partie seule, cette
fois-là aussi.
Derrière le Sumiya se dressait la
charpente du nouveau bâtiment, avec sa toiture inachevée et son absence de
murs.
— Hanagiri !
Hanagiri !
C’était le nom qu’ils avaient
donné à Akemi, cachée entre une pile de bois et un tas de copeaux. Plusieurs
fois, ceux qui la cherchaient étaient passés tellement près qu’elle avait dû
retenir son souffle.
« Quelle
dégoûtation ! » se disait-elle. Durant les toutes premières minutes,
sa colère avait eu pour objet le seul Kojirō. Maintenant, elle s’étendait
à tous les membres du sexe masculin : Kojirō, Seijurō, le
samouraï de Hachiōji, les clients qui la malmenaient la nuit au Sumiya.
Tous les hommes étaient ses ennemis, tous abominables.
Sauf un. Le bon. Celui qui
ressemblerait à Musashi. Celui qu’elle n’avait cessé de chercher. Ayant renoncé
au véritable Musashi, elle s’était maintenant persuadée qu’il serait réconfortant
de feindre d’être amoureuse de quelqu’un qui lui ressemblerait. A son grand
chagrin, elle ne trouvait personne qui le lui rappelât, fût-ce de loin.
— ... Ha-na-gi-ri !
C’était Shōji Jinnai
lui-même ; il avait d’abord appelé de derrière la maison, et voici qu’il
se rapprochait de la cachette. Kojirō et les deux autres hommes
l’accompagnaient. Ils s’étaient plaints avec une insistance fastidieuse,
faisant répéter sans cesse à Jinnai les mêmes excuses, mais ils finirent par
s’éloigner vers la rue.
En les voyant partir, Akemi poussa
un soupir de soulagement, et attendit que Jinnai fût rentré pour courir droit à
la porte de la cuisine.
— Comment, Hanagiri, tu étais
là-bas depuis le début ? demanda la fille de cuisine avec excitation.
— Chhh ! Tais-toi, et
donne-moi du saké.
— Du saké ?
Maintenant ?
— Oui, du saké !
Depuis son arrivée à Edo, Akemi
avait de plus en plus souvent cherché la consolation dans le saké. La servante
effrayée lui en versa une rasade. Akemi vida la coupe, son visage poudré
renversé en arrière au point d’être presque parallèle au fond blanc de la
tasse. Comme elle s’éloignait de la porte, la servante cria :
— Où vas-tu encore ?
— Silence ! Je vais
seulement me laver les pieds avant de rentrer.
La croyant sur parole, la servante
ferma la porte et retourna à son ouvrage. Akemi enfila la première paire de zōri qu’elle aperçut, et s’avança, un peu titubante, vers la rue. « Que
c’est bon d’être dehors, libre ! » Telle fut sa réaction première,
aussitôt suivie d’écœurement. Elle cracha dans la direction des fêtards qui
flânaient le long de la route brillamment illuminée, et prit ses jambes à son
cou.
Arrivée à un endroit où les
étoiles se réfléchissaient dans un fossé, elle s’arrêta pour les regarder. Elle
entendit courir derrière elle. « Oh ! oh ! Des lanternes, cette
fois. Et des lanternes du Sumiya. Les porcs ! Ils ne peuvent donc pas
laisser une fille tranquille une seule minute ? Non. Qu’on la
trouve ! Qu’on la remette à rapporter de l’argent ! Transformer de la
chair et du sang en un peu de bois de charpente pour leur nouvelle maison :
ils ne seront contents qu’avec ça. Eh bien, ils ne me rattraperont
pas ! »
Les copeaux de bois bouclés, pris
dans sa chevelure, dansaient tandis qu’elle courait dans les ténèbres, aussi
vite que ses jambes le lui permettaient. Elle n’avait pas la moindre idée de
l’endroit où elle allait, et ça lui était complètement égal, à condition que ce
fût loin, très loin.
Le hibou
Lorsqu’ils finirent par quitter la
maison de thé, Kojirō tenait à peine sur ses jambes.
— Epaule... épaule...
marmonnait-il en empoignant Jūrō et Koroku pour s’appuyer à eux.
Tous trois s’avançaient à pas
pesants, incertains, dans la rue obscure et déserte. Jūrō
déclara :
— Monsieur, je vous ai dit
que nous devrions y passer la nuit.
— Dans cette gargote ? A
aucun prix ! J’aimerais mieux
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