La parfaite Lumiere
vous échiner à faire un champ
ici, un seul orage le détruira en une nuit.
Quelques jours après, voyant
qu’ils y travaillaient encore, il parut légèrement vexé :
— ... Tout ce que vous faites
ici, permettez-moi de vous le dire, c’est de nombreux trous d’eau qui ne
donneront rien de bon.
Quelques jours plus tard, il
conclut que l’étrange samouraï était simple d’esprit.
— ... Quels idiots !
s’écria-t-il avec dégoût.
Le lendemain amena tout un groupe
d’interpellateurs :
— Si quelque chose pouvait
pousser ici, nous ne suerions pas en plein soleil à cultiver nos propres
champs, si pauvres soient-ils. Nous resterions assis chez nous à jouer de la
flûte.
— Et il n’y aurait pas de
famines.
— Vous retournez la terre
pour rien.
— Vous avez autant de bon
sens qu’un tas de fumier.
Toujours sarclant, Musashi gardait
les yeux à terre et souriait de toutes ses dents. Iori se montrait moins
complaisant bien que Musashi l’eût précédemment grondé parce qu’il prenait trop
au sérieux les paysans.
— Monsieur, déclarait-il d’un
ton boudeur, ils disent tous la même chose.
— Ne les écoute pas.
— Je ne peux m’en
empêcher ! s’écria-t-il en ramassant une pierre pour la lancer à leurs
tourmenteurs.
Une lueur d’irritation dans les
yeux de Musashi l’arrêta.
— Allons, à quoi crois-tu
donc que ça t’avancerait ? Si tu te conduis mal, je ne veux pas de toi
pour élève.
A cette réprimande, les oreilles
d’Iori lui brûlèrent ; pourtant, au lieu de lâcher la pierre, il jura et
la précipita contre un rocher. La pierre se fendit en deux en faisant des
étincelles. Iori rejeta sa houe et fondit en larmes.
Musashi l’ignora bien qu’il fût
ému. « Il est tout seul, exactement comme moi », se disait-il.
Comme en sympathie avec le chagrin
de l’enfant, un vent crépusculaire balaya la plaine. Le ciel s’assombrit ;
des gouttes de pluie tombèrent.
— ... Viens, Iori,
rentrons ! appela Musashi. Il semble que nous soyons bons pour une
bourrasque.
En hâte il ramassa ses outils et
courut vers la maison. Le temps d’y arriver, la pluie se déversait en rideaux
gris.
— ... Iori ! cria-t-il,
surpris que le garçon ne l’eût pas accompagné.
Il se rendit à la fenêtre et
scruta le champ. La pluie lui rejaillissait du bord de la fenêtre dans la
figure. Un éclair zébra le ciel et frappa la terre. Les yeux fermés, les mains
sur les oreilles, il sentit la force du tonnerre.
Dans le vent et la pluie, Musashi
voyait le cryptomeria du Shippōji, et entendait la voix sévère de Takuan.
Il sentait que tout ce qu’il avait gagné depuis lors, il le leur devait. Il
voulait posséder la force immense de l’arbre ainsi que la compassion glacée,
inflexible de Takuan. S’il pouvait être pour Iori ce qu’avait été pour lui le
vieux cryptomeria, il aurait le sentiment d’être parvenu à rembourser une
partie de sa dette envers le moine.
— ... Iori !...
Iori !
Pas de réponse ; seulement le
tonnerre et la pluie qui se déversait sur le toit.
« Où peut-il être allé ? »
se demandait-il, toujours peu désireux de s’aventurer au-dehors.
Quand la pluie eut diminué, il
finit par sortir. Iori n’avait pas bougé d’un pouce. Avec ses vêtements qui lui
collaient au corps et sa face encore crispée de colère, il avait l’air d’un épouvantail.
Comment un enfant pouvait-il être aussi entêté ?
— ... Idiot ! gronda
Musashi. Rentre à la maison. Te faire tremper comme ça n’est pas exactement ce
qu’il te faut. Dépêche-toi, avant que des rivières ne commencent à se former.
Alors, tu ne pourras plus rentrer.
Iori éclata de rire.
— Ne craignez rien. Ce genre
de pluie ne dure pas. Voyez : déjà les nuages se déchirent.
Musashi, qui ne s’attendait pas à
recevoir une leçon de son élève, en fut assez interloqué mais Iori n’insista
pas :
— ... Allons, dit le garçon
en ramassant sa houe. Nous pouvons encore en faire un bon bout avant le coucher
du soleil.
Les cinq jours suivants, bulbuls
et pies-grièches conversèrent d’une voix rauque sous un ciel bleu sans nuage,
et de grandes craquelures fendirent la terre qui cuisait autour des racines des
joncs. Le sixième jour, de petits nuages s’amassèrent à l’horizon, et
rapidement se répandirent à travers le ciel jusqu’à ce que la plaine entière
eût l’air d’être sous une éclipse. Iori jeta au ciel un
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