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La parfaite Lumiere

La parfaite Lumiere

Titel: La parfaite Lumiere Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eiji Yoshikawa
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que les villages, à tour de rôle, lui faisaient des offrandes annuelles
de grain et de femmes. Quand venait le tour d’une communauté, ses habitants
rassemblaient leur tribut, et se rendaient au sanctuaire en procession, à la
lueur des torches. A mesure que le temps passait et qu’il devenait évident que
le dieu n’était en réalité qu’un homme, ils se relâchèrent dans leurs
offrandes.
    Durant la période des guerres
civiles, le soi-disant dieu des montagnes avait pris l’habitude de faire
percevoir son tribut par la force. Tous les deux ou trois ans, une bande de
brigands armés de hallebardes, d’épieux, de haches – de tout ce qui
pouvait frapper de terreur le cœur de paisibles citoyens –, descendaient
d’abord sur une communauté puis sur la suivante, emportant tout ce qui flattait
leur fantaisie, y compris les épouses et les filles. Si leurs victimes
opposaient la moindre résistance, le pillage s’accompagnait de massacre.
    Leur dernier raid encore vivant
dans sa mémoire, Iori se blottissait dans les broussailles. Un groupe de cinq
ombres accoururent à travers champ jusqu’au pont. Puis, dans le brouillard
nocturne, une autre petite bande et encore une autre, jusqu’à ce que les
bandits fussent au nombre de quarante à cinquante.
    Iori retenait son souffle,
écarquillait les yeux cependant qu’ils débattaient un plan d’action. Ils
parvinrent bientôt à une décision. Leur chef lança un ordre en désignant le
village. Les hommes partirent en trombe, comme un nuage de sauterelles.
    Peu après, le brouillard fut déchiré
par une grande cacophonie : oiseaux, bétail, chevaux, gémissements de
jeunes et de vieux. Iori décida rapidement d’appeler au secours les samouraïs
du Tokuganji ; mais à peine avait-il quitté son abri de bambous que l’on
cria du pont :
    — Qui va là ?
    Il n’avait pas vu les deux hommes
laissés en faction. Il prit ses jambes à son cou, mais ses petites jambes ne
pouvaient rivaliser avec celles de ces adultes.
    — Où vas-tu comme ça ?
cria l’homme qui l’empoigna le premier.
    — Qui es-tu ?
    Au lieu de pleurer comme un bébé,
ce qui eût peut-être endormi la méfiance de ces hommes, Iori lutta bec et
ongles contre les bras musclés qui l’emprisonnaient.
    — Il nous a vus tous
ensemble. Il allait prévenir quelqu’un.
    — Passons-le à tabac, et
jetons-le dans une rizière.
    — J’ai une meilleure idée.
    Ils portèrent Iori à la rivière,
le jetèrent au bas de la berge, bondirent à sa suite et l’attachèrent à l’une
des piles du pont.
    — Là, son sort est réglé.
    Et les deux bandits regrimpèrent
monter la garde sur le pont. Iori, horrifié, regardait les flammes qui
s’élevaient du village teindre la rivière en rouge sang. Les pleurs des bébés
et les gémissements des femmes se rapprochaient. Alors, il entendit le
roulement d’une charrette sur le pont. Une demi-douzaine des bandits
conduisaient des chars à bœufs et des chevaux chargés de butin.
    — Sale pègre ! criait
une voix masculine.
    — Rendez-moi ma femme.
    Sur le pont, la mêlée fut brève,
mais furieuse. Des hommes vociféraient, du métal tintait ; un cri aigu
s’éleva, et un cadavre ensanglanté atterrit aux pieds d’Iori. Un second corps
tomba dans la rivière en lui éclaboussant la figure de sang et d’eau. Un par
un, les paysans tombaient du pont, six en tout. Les corps remontaient à la
surface et flottaient lentement au fil de l’eau ; mais un homme, qui
n’était pas tout à fait mort, empoigna les roseaux et griffa la terre au point
de se tirer de l’eau à demi.
    — Toi, là-bas ! lui cria
Iori. Détache cette corde. J’irai chercher du secours. Je veillerai à ce que tu
aies ta revanche.
    Alors, sa voix s’éleva jusqu’au
hurlement :
    — ... Allons !
Détache-moi ! Il faut que je sauve le village.
    L’homme ne bougeait pas. En tirant
sur ses liens de toutes ses forces, Iori finit par les desserrer assez pour
envoyer un coup de pied dans l’épaule de l’homme. La face qui se tourna vers la
sienne était maculée de boue et de sang, les yeux ternes.
    Péniblement, l’homme se rapprocha
en rampant ; avec ses dernières forces, il défit les nœuds. Au moment où
la corde tombait, il s’écroula, mort.
    Iori leva vers le pont des yeux
circonspects, et se mordit la lèvre. Là-haut il y avait d’autres corps. Mais la
chance le favorisait. Une roue avait traversé une planche pourrie. Les

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