La parfaite Lumiere
voleurs,
en se hâtant de la dégager, ne remarquèrent pas sa fuite.
Iori, qui se rendait compte qu’il
ne pouvait gagner le temple, se glissa dans l’ombre à pas de loup jusqu’à ce
qu’il atteignît un gué. Parvenu sur l’autre berge, il était au bord de la Hōtengahara.
Il couvrit le kilomètre et demi qui lui restait pour arriver à la cabane comme
s’il avait eu le feu aux trousses. En s’approchant de la butte où se dressait
la cabane, il vit Musashi debout devant, en train de regarder le ciel.
— ... Venez vite !
cria-t-il.
— Qu’est-ce qui se
passe ?
— Il faut que nous allions au
village.
— C’est là qu’il y a le
feu ?
— Oui. Les démons de la
montagne sont revenus.
— Les démons ?... Des
bandits ?
— Oui, au moins quarante. Je
vous en prie, dépêchez-vous ! Il faut porter secours aux villageois.
Musashi plongea dans la cabane et
en ressortit avec ses sabres. Pendant qu’il attachait ses sandales, Iori lui
dit :
— ... Suivez-moi. Je vais
vous montrer le chemin.
— Non. Tu restes ici.
Iori n’en croyait pas ses
oreilles.
— ... C’est trop dangereux.
— Je n’ai pas peur.
— Tu me gênerais.
— Vous ne connaissez même pas
le raccourci !
— Le feu me sera un guide
suffisant. Allons, sois sage et reste ici.
— Bien, monsieur.
Iori inclinait un front obéissant,
mais il avait de sérieux doutes. Il tourna la tête vers le village, et regarda
d’un air sombre Musashi s’élancer en direction de la lueur rouge.
Les bandits avaient lié en rang
leurs captives qui gémissaient et criaient, et les traînaient sans pitié vers
le pont.
— Assez de criailleries !
vociféra un bandit.
— On dirait que vous ne savez
pas marcher. Avancez !
Quand les femmes résistaient, les
brutes les fouettaient. Une femme tomba, en entraînant d’autres dans sa chute.
Un homme empoigna la corde, les força à se remettre debout et gronda :
— Espèces de garces
entêtées ! De quoi vous plaignez-vous ? Si vous restez ici, vous
passerez le restant de vos jours à travailler comme des esclaves, tout ça pour
quelques grains de millet. Regardez-vous donc : rien que la peau sur les
os ! Vous serez bien mieux à rigoler avec nous.
Ils choisirent l’un des animaux
qui paraissaient en meilleure santé – tous étaient lourdement chargés
de butin –, y fixèrent la corde et donnèrent à la bête une bonne claque
sur la croupe. La corde détendue se retendit soudain, et de nouveaux cris déchirèrent
l’air tandis que les femmes étaient de nouveau tirées en avant. Celles qui
tombaient se trouvaient traînées, la face contre le sol.
— Arrêtez ! criait
l’une. J’ai les bras déchirés.
Une vague de gros rires balaya les
brigands.
A cet instant, le cheval et les
femmes s’arrêtèrent net.
— Qu’est-ce qui se
passe ?... Il y a quelqu’un devant !
Tous les yeux s’efforcèrent de
voir.
— Qui va là ? rugit un
bandit.
L’ombre silencieuse qui s’avançait
vers eux portait une lame blanche. Les bandits, entraînés à la sensibilité aux
odeurs, reconnurent instantanément celle qu’ils sentaient maintenant : du
sang dégouttait du sabre.
Tandis que les hommes qui
marchaient devant reculaient avec maladresse, Musashi jaugeait les forces
ennemies. Il compta douze individus, tous musclés et d’aspect brutal. Se
remettant du premier choc, ils préparèrent leurs armes et se mirent sur la
défensive. L’un courut en avant avec une hache. Un autre, porteur d’un épieu,
s’approcha en diagonale, baissé, et visa les côtes de Musashi. L’homme à la
hache fut le premier à attaquer.
— O-h-h-h !
L’on eût dit à son cri qu’il
s’était lui-même tranché la langue avec les dents ; il tournoya follement
et s’effondra en tas.
— Vous ne me connaissez donc
pas ? tonna la voix de Musashi. Je suis le protecteur du peuple, un
messager du dieu qui garde ce village.
Du même élan, il empoigna l’épieu
qui le visait, l’arracha à son possesseur et le jeta violemment au sol. Vite,
il pénétra dans la troupe des bandits, occupé à parer les coups qu’ils lui portaient
de toutes parts. Mais après le premier assaut, mené alors qu’ils se battaient
encore avec confiance, il eut une idée nette de ce qui l’attendait. Ce n’était
pas une question de nombre, mais de cohésion et de maîtrise de soi de
l’adversaire.
A voir un homme après l’autre
transformé en projectile
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