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La parfaite Lumiere

La parfaite Lumiere

Titel: La parfaite Lumiere Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eiji Yoshikawa
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en ouvrant le shoji.
    Sans se lever, il se glissa à
genoux dans la chambre de Musashi. Le soba, six portions dans un coffret laqué,
avait fini par arriver. Musashi, maintenant assis, tendait ses baguettes vers
sa première portion.
    — Regardez, ils entrent, dit
Iori à mi-voix en se déplaçant légèrement pour s’écarter de leur chemin.
    Kumagorō s’assit derrière Iori
et à sa gauche, les jambes croisées, les coudes reposant sur les genoux. Les
yeux furibonds, il dit :
    — Vous mangerez plus tard.
N’essayez pas, en restant assis là à jouer avec vos baguettes, de cacher le
fait que vous avez peur.
    Bien qu’il sourît de toutes ses
dents, Musashi ne faisait pas mine d’entendre. Avec ses baguettes, il tourna le soba pour en séparer les écheveaux, en porta une bouchée à ses lèvres,
et l’avala avec un joyeux bruit de déglutition. Les veines du front de Kumagorō
faillirent éclater.
    — ... Posez ce bol, dit-il
avec irritation.
    — Qui donc êtes-vous ?
demanda doucement Musashi sans obéir.
    — Vous ne savez pas qui je
suis ? Les seuls gens de Bakurōchō qui ne connaissent pas mon
nom sont les bons à rien et les sourds-muets.
    — Je suis moi-même un peu dur
d’oreille. Parlez plus haut ; dites-moi qui vous êtes, et d’où vous venez.
    — Je suis Kumagorō de
Chichibu, le meilleur marchand de chevaux d’Edo. Les enfants, à mon approche,
ont tellement peur qu’ils ne peuvent même pas pleurer.
    — Je vois. Alors, vous êtes
dans le commerce des chevaux ?
    — Plutôt. Je vends aux
samouraïs. Vous feriez bien de vous le rappeler dans vos rapports avec moi.
    — J’ai des rapports avec
vous ?
    — Vous avez envoyé le moutard
que voilà vous plaindre du bruit. Où vous croyez-vous ? Ici, ça n’est pas
une auberge chic pour daimyōs, tranquille et tout. Nous autres, marchands
de chevaux, nous aimons le bruit.
    — Je l’avais compris.
    — Alors, pourquoi
essayiez-vous de gâcher notre plaisir ? J’exige des excuses.
    — Des excuses ?
    — Oui, par écrit. Vous pouvez
les adresser à Kumagorō et ses amis. A défaut d’excuses, nous vous
emmènerons dehors, pour vous enseigner deux ou trois petites choses.
    — Ce que vous dites là
m’intéresse.
    — Hein ?
    — Je veux dire : vous
avez une façon de parler intéressante.
    — Trêve d’absurdités !
Aurons-nous les excuses, oui ou non ? Eh bien ?
    La voix de Kumagorō était
passée du grondement au rugissement, et la sueur, sur son front cramoisi,
luisait dans le soleil du soir. L’air sur le point d’exploser, il dénuda sa
poitrine velue et tira de sa ceinture un poignard.
    — ... Décidez-vous ! Si
vous tardez à me répondre, vous aurez de gros ennuis.
    Il décroisa les jambes et tint
verticalement le poignard à côté du coffret laqué, la pointe touchant le sol.
Musashi, refrénant sa gaieté, dit :
    — Eh bien, comment répondre à
ça ?
    Il abaissa son bol, tendit ses
baguettes, enleva quelque chose de sombre du soba qui se trouvait dans
le coffret, et le jeta par la fenêtre. Toujours silencieux, il tendit à nouveau
la main, cueillit une autre masse d’ombre, puis une autre.
    — ... Elles sont
innombrables, vous ne croyez pas ? remarqua Musashi d’un ton neutre.
Tiens, Iori, va donc me laver bien soigneusement ces baguettes.
    Tandis qu’Iori sortait, Kumagorō
disparaissait en silence dans sa propre chambre, et, d’une voix étouffée,
faisait part à ses compagnons de l’incroyable spectacle dont il venait d’être
témoin. Après avoir d’abord pris à tort pour des saletés les taches noires sur
le soba, il s’était rendu compte qu’il s’agissait de mouches vivantes, si
adroitement cueillies qu’elles n’avaient pas eu le temps de fuir. Quelques minutes
plus tard, lui et ses compagnons avaient transféré plus loin leur petite
réunion, et le silence régnait.
    — Ça va mieux, hein ?
dit Musashi à Iori, et tous deux échangèrent un large sourire.
    Quand ils achevèrent leur repas,
le soleil était couché, et la lune luisait, pâle, au-dessus du toit de la
boutique du « polisseur d’âmes ». Musashi se leva et arrangea son
kimono.
    — ... Je crois que je vais
faire réparer mon sabre, dit-il.
    Ayant ramassé l’arme, il allait
partir au moment où la patronne monta à mi-hauteur de l’escalier assombri et
cria :
    — Une lettre pour vous !
    Surpris que quiconque sût aussi
vite où il habitait, Musashi descendit, prit la lettre

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