La parfaite Lumiere
que
fût la rapidité des assauts d’Iori, chaque fois l’animal réussissait à lui
échapper.
Sur les genoux de sa mère, Iori
avait entendu d’innombrables contes prouvant sans l’ombre d’un doute que les
renards avaient le pouvoir d’ensorceler et de posséder les êtres humains. Il
aimait la plupart des autres animaux, même les sangliers et les malodorants
opossums, mais il détestait les renards. Il en avait également peur. De son
point de vue, la rencontre de cet animal rusé, à l’affût dans l’herbe, ne
pouvait signifier qu’une chose : c’était la faute du renard si Iori ne
trouvait pas son chemin. Il avait la conviction que cet animal fourbe et
méchant le suivait depuis la veille au soir, et venait de lui jeter un mauvais
sort. S’il ne le tuait pas sur-le-champ, le renard continuerait à le
persécuter. Iori se trouvait disposé à poursuivre son gibier jusqu’au bout du
monde, mais le renard sauta dans un ravin et se perdit dans le sous-bois.
La rosée brillait sur les fleurs.
Epuisé, mourant de soif, Iori se laissa tomber à terre et lécha l’humidité
d’une feuille de menthe. Il finit par reprendre haleine, sur quoi la sueur lui
ruissela du front. Son cœur battait à se rompre. « Où est-il
passé ? » se demandait-il, d’une voix qui se trouvait à mi-chemin
entre le cri et le sanglot.
Si le renard était réellement
parti, tant mieux, mais Iori ne savait que croire. Etant donné qu’il avait
blessé l’animal, il estimait qu’il se vengerait sûrement d’une manière ou d’une
autre. Résigné, il s’immobilisa pour attendre.
Juste au moment où il commençait à
se sentir plus calme, une étrange sonorité flotta jusqu’à ses oreilles. Ouvrant
de grands yeux, il regarda autour de lui. « C’est le renard, pour
sûr », se dit-il en se raidissant contre le sortilège. Il se leva rapidement
et s’humecta les sourcils de salive : un truc qui passe pour écarter
l’influence des renards.
Non loin de là, une femme
arrivait, flottant à travers la brume du soir, le visage à demi voilé de gaze.
Elle montait un cheval en amazone, les rênes reposant, souples, en travers du
pommeau bas. La selle était en bois laqué, incrusté de nacre.
« Il s’est changé en
femme », se dit Iori. Cette apparition voilée, qui jouait de la flûte et
se découpait sur les fins rayons crépusculaires, aucun effort d’imagination ne
pouvait en faire une créature de notre monde. Tapi dans l’herbe à la façon
d’une grenouille, Iori entendit une voix d’un autre monde appeler :
— Otsū !
Il était sûr que cette voix était
celle de l’un des compagnons du renard. La cavalière avait presque atteint un
tournant où la route s’écartait vers le sud, et le haut de son corps luisait
d’un éclat rougeâtre. Le soleil, qui s’enfonçait derrière les collines de
Shibuya, était frangé de nuages.
S’il la tuait, il serait en mesure
de révéler sa véritable forme de renard. Iori serra la main sur son sabre et
s’encouragea en se disant : « C’est une chance qu’il ne sache pas que
je me cache ici. » Pareil à tous ceux qui connaissaient la vérité sur les
renards, il savait que l’esprit de l’animal serait situé à quelques pas
derrière sa forme humaine. Il avala sa salive à la pensée de ce qui allait
suivre, attendant que l’apparition tournât vers le sud.
Mais quand le cheval arriva au
tournant, la femme cessa de jouer, mit sa flûte dans un étui de toile, et la
fourra dans son obi.
Levant son voile, elle promena
autour d’elle des yeux inquisiteurs.
— ... Otsū ! cria
de nouveau la voix.
Avec un joli sourire elle
répondit :
— Je suis là, Hyōgō !
En haut.
Iori vit un samouraï monter la
route de la vallée. « Oh ! oh ! » haleta-t-il en remarquant
que l’homme boitait légèrement. C’était lui , le renard qu’il avait
blessé ; aucun doute là-dessus ! Déguisé non point en belle
tentatrice, mais en élégant samouraï. Cette apparition terrifia Iori. Il fut
saisi de tremblements violents.
Après que la femme et le samouraï
eurent échangé quelques mots, le samouraï saisit le cheval par le mors et le
fit passer en plein devant l’endroit où Iori se dissimulait.
« C’est le moment »,
décida-t-il, mais son corps refusait de réagir.
Le samouraï remarqua un léger
mouvement, et regarda autour de lui ; son regard tomba droit sur le visage
pétrifié d’Iori. Les yeux du samouraï
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