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La Part De L'Autre

Titel: La Part De L'Autre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eric-Emmanuel Schmitt
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Hitler.
    Christa
ne sut pas si elle devait dire la vérité. Comment
allait-il réagir ?
    Hitler
tapa du poing et se mit à hurler.
     Etes-vous
sourde ? Je vous demande si mon appartement de Munich a été
détruit.
     Oui,
mon Führer.
     Vraiment
?
     Il
est gravement endommagé.
    Hitler
hocha la tête avec satisfaction et se lissa la moustache.
     Alors
tant mieux ! Tant mieux ! Les Allemands n'auraient pas compris que
mon appartement soit épargné. Ça aurait fait
mauvais effet. Ravi. Ravi.
    Christa
visa sur son rapport les chiffres des dégâts, le compte
des blessés et des morts. Ça, ça n'intéressait
pas Hitler.
     Au
fond, ces raids sont excellents pour le moral. Ils permettent aux
Munichois de comprendre que l'Allemagne est en guerre. Cela aura un
impact salutaire. Et puis, de toute façon, il aurait fallu
démolir les immeubles après la guerre pour rénover
l'urbanisme. En fait, les Britanniques travaillent pour nous.
    C'est
ce jour-là que Christa comprit que la folie d'Hitler ne venait
pas d'idées étranges, haineuses ou excessives, ni même
d'une détermination inébranlable qui veut ignorer les
obstacles de la réalité, mais peut-être d'un
manque absolu de compassion.

    Sœur
Lucie venait tous les dimanches à la maison.
    Les
enfants l'attendaient comme une friandise.
    Vive,
joyeuse, la repartie toujours surprenante, le rire clair et
inattendu, elle les enchantait et surtout leur donnait l'impression
unique de fréquenter un adulte plus jeune qu'eux. Par ses
étonnements, sa capacité intacte de s'émerveiller
ou de s'indigner, le tranchant de sa colère, elle leur
semblait beaucoup plus fraîche qu'eux-mêmes qui, à
l'école, dans la cour, avec leurs maîtres ou leurs
camarades ou même dans leur famille, avaient déjà
pris l'habitude de se maîtriser et de composer.
    Sarah,
elle, remerciait sa rivale d'être ce qu'elle était.
Rassurée dans un premier temps, elle avait ensuite découvert
la force d'attachement étrange qui existait entre Lucie et
Adolf ; sa jalousie avait failli prendre un nouveau galop jusqu'à
ce qu'une amie s'exclamât :
     Tu
ne vas pas être jalouse d'une bonne sœur ? Surtout toi,
une Juive !
    Le
ridicule avait été une pommade efficace.
    Enfin
persuadée que personne ne voulait lui voler Adolf, elle
supportait cette étrange relation de son mari avec celle qui
l'avait autrefois sauvé, bien qu'elle n'en comprît pas
la vraie teneur.
    Quant
à sœur Lucie et Adolf, ils étaient bien les
derniers à savoir pourquoi ils se fréquentaient.
    — Je
ne suis même pas sûr de croire en Dieu, disait Adolf.
     Je
ne suis même pas sûre d'aimer ta peinture, répondait
Lucie.
    Et
ils éclataient de rire.
     Remarquez,
reprenait Adolf, que je ne suis pas certain non plus d'apprécier
ma peinture.
     Et
moi, je ne suis pas certaine de Dieu tous les jours.
    Le
dimanche après-midi, dans ces heures grises, immobiles et
lentes où les adolescents ont envie de se suicider, il
l'emmenait à l'atelier où, sous prétexte
d'examiner les toiles, ils s'isolaient pour parler.
     Je
ne suis certain de rien. Pas certain de bien peindre. Pas certain de
bien agir. Pas certain d'aimer correctement ma femme ou mes enfants.
     Tant
mieux ! Les certitudes font les crétins.
     Tout
de même ! Un peu de confiance en moi, parfois, me permettrait
d'aller plus loin.
    — Plus
loin des autres, Adolf, c'est tout.
     Tout
de même ! Si je pouvais arrêter de douter...
     N'arrête
pas de douter, c'est ce qui fait de toi ce que tu es. Un homme
fréquentable. Cela te donne un sentiment d'insécurité,
certes, mais cette insécurité, c'est ta respiration, ta
vie, c'est ton humanité. Si tu voulais en finir avec cet
inconfort, tu deviendrais un fanatique. Fanatique d'une cause ! Ou
pire : fanatique de toi-même !
     Mais
vous, sœur Lucie, vous n'avez pas de certitudes ?
     Aucune.
J'ai la foi. Mais ce n'est pas une certitude. C'est juste un espoir.
     Et
de l'énergie ? Je ne connais personne qui en possède
autant que vous.
    Un
dimanche, Adolf demanda à Heinrich de venir à l'atelier
pour rencontrer sœur Lucie. Il était heureux de mettre
l'un en face de l'autre les deux êtres qu'il aimait le plus en
dehors de sa famille.
    Heinrich
se montra brillant, charmant, passionné. Il sut révéler
à sœur Lucie comment il fallait admirer la peinture
d'Adolf H. Il surprit son professeur par ses connaissances en
histoire sainte et en théologie et lorsqu'il les quitta,

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