La Part De L'Autre
œuvre.
Quoi
?
Adolf
semblait furieux. Heinrich et Sophie, heureux de cette nouvelle, le
fixaient sans comprendre.
Je
n'irai pas.
Il
jeta sa palette et ses pinceaux à terre.
Mais,
papa, qu'est-ce qui te prend ?
Je
suis trop jeune. Je n'ai pas l'âge des rétrospectives.
Je n'irai pas.
La
bataille de Stalingrad était perdue.
Après
des mois de lutte héroïque, le général von
Paulus s'était rendu.
Hitler
entra dans une colère d'une semaine, un courroux qui soit le
laissait sans voix, soit le faisait hurler dans la Tanière du
Loup.
C'est
impossible. C'est incompréhensible. C'est impardonnable. Voilà
un homme que je nomme feld-maréchal le 30 janvier et qui se
rend le 1 er février. Mais je ne l'avais nommé feld-maréchal
que parce que je pensais qu'il allait mourir au combat. Bravement.
Héroïquement. C'était un héros posthume que
je décorais. Pas un traître en puissance. Quel
déshonneur ! Un homme qui lutte pendant des mois et qui tout à
coup se livre aux bolcheviques.
Autour
de lui, certains pensaient que deux cent mille morts et cent trente
mille prisonniers étaient suffisants pour comprendre qu'une
bataille était perdue et que le général von
Paulus avait eu raison de limiter l'hémorragie. Bien entendu,
personne n'émit son opinion à haute voix.
Pour
moi, il n'y a pas défaite à Stalingrad, il y a trahison
! Plus personne ne sera nommé feld-maréchal pendant
cette guerre. Et où est-il ce Paulus, maintenant ? Enfermé
dans une prison soviétique en train de se faire bouffer par
les rats : comment peut-on être lâche à ce point ?
Un feld-maréchal n'accepte pas la captivité, il se
suicide. Lui, non seulement il abdique mais il reste en vie ! Il
salit l'héroïsme de tous les autres. En un instant, il
pouvait se libérer de toute cette misère et entrer dans
l'éternité, l'immortalité nationale. Lui, il se
rend à Staline ! Comment peut-on agir ainsi ? C'est dément.
Cet homme-là n'a aucune volonté...
Pour
lui dont le corps se délitait un peu plus chaque jour, tout
était affaire de volonté et de volonté seule.
La
puissance de la volonté ! C'est cela qui fabrique un destin,
une nation ! Durant toute ma vie, j'ai connu des crises qui ont mis à
l'épreuve ma volonté, mais celle-ci s'est toujours
montrée la plus forte. Aurais-je pu m'affirmer dans ma
vocation artistique sans volonté ? Aurais-je survécu à
la guerre de 14-18 sans volonté ? Aurais-je pris le pouvoir
sans volonté ? M'y serais-je maintenu sans volonté ?
Les généraux allemands ont du sang de navet et pas plus
de volonté qu'un gond de porte !
En
fait, les généraux avaient autant de volonté que
lui, mais ce n'était plus la même. Les Allemands non
plus. Le pays entier lâchait Hitler et se retournait contre
lui, l'accusant de l'avoir entraîné dans une guerre
inutile dont l'issue s'annonçait calamiteuse. Sur les murs des
villes apparaissaient les inscriptions : « Hitler menteur »,
« Hitler meurtrier ». Des groupes de résistance se
formaient, souvent issus de milieux conservateurs et chrétiens,
dont certains préparaient des attentats contre le Führer.
Hitler
le savait et s'épargnait toute rencontre publique, se
contentant de convaincre et de terroriser ses proches. Des rumeurs
commençaient à courir sur sa sénilité
précoce, ses accès de démence, le fait que,
lorsqu'on le contrariait, il piquait de telles crises qu'il mordait
le tapis en bavant.
Pour
faire taire ce bourdonnement diffamant, le ministre de la Propagande,
Goebbels, proposa au Führer d'apparaître le 21 mars 1943,
à Berlin. L'occasion serait la Commémoration des héros.
Pour la première fois depuis Stalingrad, Hitler s'adresserait
à la nation. Il tenta de se défiler en prétextant
que les Britanniques allaient en profiter pour lancer un raid aérien
sur Berlin, mais Goebbels l'emporta en disant que, si le peuple
n'avait pas peur de venir, le Führer ne devait pas non plus
avoir peur.
Hitler,
comme d'habitude, se prépara très peu, comptant bien
que l'inspiration lui viendrait dès qu'il sentirait la foule
captive et exigeante sous lui.
Il
rassembla ses forces pour monter comme autrefois d'un pas dynamique à
la tribune, mais l'effort lui coûta tant qu'il fit une
irruption brusque de pantin désarticulé, se rattrapant
de justesse au micro dans un geste qui n'avait rien d'athlétique.
Il
commença par une diatribe antibolchevique. Malgré les
membres de la Gestapo répartis
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