Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

La Part De L'Autre

Titel: La Part De L'Autre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eric-Emmanuel Schmitt
Vom Netzwerk:
trop
insistante, ne réveillât la dormeuse comme un doigt
brûlant.
    Le
docteur Bloch se pencha alors sur la femme et enleva lentement la
blouse de soie.
    La
femme se retrouva nue, offerte, lascive, inconsciente, étalée
dans son impudeur essentielle à quelques centimètres
d'Adolf. Il sentit que son propre corps bouillait.
    Le
docteur Bloch saisit alors la main d'Adolf et l'approcha de la femme.
Adolf résista d'abord, effrayé, craignant on ne sait
quoi...
    Mais,
fermement, méthodiquement, le docteur Bloch maintint son
étreinte, conduisit la main d'Adolf au sein calme de la
dormeuse et y plaqua la paume...
    Au
contact de la chair moelleuse et chaude, Adolf eut une sensation
éblouissante... et se réveilla.
    Il
lui fallut plusieurs minutes pour réajuster ses idées,
comprendre qu'il n'était que dans le lit loué à
madame Zakreys, admettre que la belle scène qu'il venait de
vivre appartenait au rêve, que le docteur Bloch n'était
pas venu le chercher ce soir, qu'il n'avait pas touché
réellement la créature nacrée.
    Il
changea de côté sur sa couche, enfonça sa tête
dans l'oreiller et se servit de la mémoire du songe pour vivre
et revivre la scène jusqu'au matin.
    Enchanté,
il courut à l'Académie, ayant l'impression d'être
un autre homme. Même si ce n'était qu'un fantasme, il
avait connu une véritable initiation sexuelle pendant la nuit.
    Au
seuil de l'Académie, il s'arrêta, frappé.
    «
Si, comme je le prévois, vous recommencez à rêver,
promettez-moi de revenir. »
    Un
frisson de désagrément lui parcourut le dos. Le satané
médecin l'avait annoncé : il rêverait de nouveau.
Ainsi, il devait le moment délicieux de cette nuit à
cet insupportable petit homme qui lui avait fait repeindre ses
chiottes !
    Adolf,
furieux, arriva en cours de géométrie avec l'envie de
frapper. Tout le bénéfice de sa nuit venait de
s'envoler. Il travailla de fort méchante humeur.
    A
l'interclasse, il sursauta lorsqu'il entendit un de ses camarades
prononcer le nom du médecin.
    Bernstein
et Neumann, les deux élèves les plus brillants de
l'école, se disputaient à son sujet.
C'est
le plus grand génie de notre époque, affirmait
Bernstein. Grâce à lui, l'humanité va pouvoir se
connaître et se guérir.
Peut-être,
répondait Neumann, mais je ne crois pas que la connaissance
de l'inconscient favorise les artistes. Au contraire, elle risque de
les supprimer. C'est une névrose qui fait l'artiste, c'est
une névrose qui l'inspire et lui donne l'énergie
créatrice. Je tiens à ma névrose et je ne veux
pas qu'une meilleure connaissance de moi-même me change. Peu
importe si je suis plus heureux ; je préfère être
mal et continuer à peindre. D'autant plus que je suis heureux
quand je peins.
Mais,
reprit Bernstein, rien ne te dit qu'une psychanalyse te rendra
stérile. Sigmund Freud traite l'homme, pas l'artiste.
Comment
peux-tu distinguer l'homme de l’artiste ? s'indigna
Neumann. Sigmund Freud joue avec le feu, il manque de recul.
Pas
du tout. Sigmund Freud a écrit sur l'art et...
    Adolf
demeurait abasourdi. Ce qui l'étourdissait le plus, c'était
que les deux étudiants disent si naturellement « Sigmund
Freud », comme ils diraient Richard Wagner ou Jérôme
Bosch. Le docteur Freud, du 18, rue Berg, était-il si connu ?
Adolf ne l'avait pris que pour un spécialiste de quartier
alors qu'il semblait avoir produit des théories qui
passionnaient la jeunesse intellectuelle. Adolf voyait bien, au
respect terrorisé avec lequel les autres suivaient la
polémique, qu'il n'était pas le seul à ignorer
le rôle capital de Sigmund Freud, ni même à
découvrir son nom entier.
    Il
ne saisissait pas bien la nature du débat mais il
reconnaissait des mots entendus lors des conversations de Bloch avec
Freud : pulsion, névrose, inconscient, censure...
    En
rentrant dans la classe qui reprenait, il se faufila auprès de
Bernstein et lui demanda, d'un ton détaché :
Le
Sigmund Freud dont tu parles, c'est bien celui qui a son cabinet au
18, rue Berg ?
Oui
! s'exclama Bernstein. Et je rêve d'aller le rencontrer un
jour ! Dès que j'aurai de l'argent... Quoi ? Tu le connais ?
Oui,
oui, fit Adolf d'un petit air suffisant, c'est un ami de la famille.
    Par
sa réponse, il pensait éluder la question, non pas
provoquer une telle réaction chez Bernstein. Le garçon
ne le lâcha plus jusqu'au soir, s'intéressant enfin à
lui, lui marquant de l'affection, et lui proposant mille services en
échange d'une

Weitere Kostenlose Bücher