La Perle de l'empereur
apporter ?
— Justement pour accréditer un peu plus les soupçons dudit Langlois contre moi. J’ai mis du temps à lui avouer que je détenais la « Régente » Il supposera que je lui rapporte ces bracelets parce que j’ai pris peur après son passage. Je n’ai pas aimé ses dernières paroles ce soir…
— Peut-être, mais par pitié ne dramatise pas ! Encore un peu et tu vas me dire qu’il te prend pour Napoléon ?
— Va savoir !… J’en viens à me demander s’il n’aurait pas l’idée de me faire surveiller ?
Adalbert considéra un instant son ami sans rien dire, le sourcil soucieux. Puis, tournant les talons il rejoignit les pièces de façade où les lumières étaient éteintes, s’arrêta dans son cabinet de travail, sans rien allumer, et souleva l’un des rideaux en prenant bien soin de rester en retrait. La rue était vide, silencieuse. Pas une âme ! Pas même un chat sur la chaussée ou sur les trottoirs mouillés par une petite pluie en fin de journée. Mais Vidal-Pellicorne possédait cet œil d’archéologue capable de déceler dans un amas de décombres le fragment de bronze ou de poterie annonçant quelque chose de plus important. À regarder attentivement il devina une forme plus sombre dans le renfoncement d’une porte cochère presque en face de lui…
— Je crois que tu as raison, dit-il. Il y a là quelqu’un…
Pour s’en assurer, il ouvrit doucement la fenêtre puis la claqua violemment comme sous l’effet d’un coup de vent et au risque de faire tomber les vitres, mais le résultat fut intéressant : un mouvement involontaire permit de distinguer un peu mieux un homme emballé dans un imperméable et coiffé d’un chapeau mou au bord rabattu. Adalbert alors alluma son bureau et vint refermer ostensiblement la croisée du geste agacé de quelqu’un que l’on vient de déranger. À cet instant, le téléphone sonna…
Aldo qui était le plus proche de l’appareil décrocha. Aussitôt une voix de femme se fit entendre. Une voix affolée :
— Allô !… Allô ! Monsieur Morosini, s’il vous plaît ! Vite !
— C’est moi, voyons ! Qui est là ?…
Mais il le savait avant même qu’elle l’eût dit :
— C’est Tania ! Venez, je vous en supplie ! Venez vite !… Il va arriver dans un instant et j’ai peur. Oh, j’ai tellement peur !
— Que se passe-t-il ? Expliquez-moi !
— Je ne peux pas ! Je n’ai pas le temps ! Vous seul pouvez me sauver ! Il va arriver, vous dis-je ! Il vient de me l’annoncer au téléphone…
— Enfermez-vous bien et dites à votre Tamar de n’ouvrir à personne !
— Elle n’est pas là ! C’est la nuit de Pâques. Rien ne peut l’empêcher d’aller à l’église cette nuit là !
— Eh bien ! Quelle gardienne ! Écoutez…
Un véritable hurlement lui répondit et, presque aussitôt, un timbre masculin remplaça la voix terrifiée de Tania, un timbre dont l’accent léger désignait le propriétaire :
— J’espère, cher monsieur – et le ton était curieusement aimable –, que vous ne prenez pas au sérieux les braillements de cette jeune folle ! Je n’ai rien fait d’autre qu’entrer chez elle sans avoir pris la peine de sonner. C’était inutile puisque j’avais annoncé ma visite.
— On ne crie pas comme cela pour rien. Que lui avez-vous fait ? Je l’entends pleurer…
— Rien, je vous assure… sinon lui avoir un peu tordu le bras pour lui ôter le téléphone. Elle va on ne peut mieux, mais…
— Mais ?
— Mais il se pourrait que ça tourne mal pour elle si vous n’exécutez pas les ordres que je vais vous donner.
— Des ordres ? À moi ?
— Pourquoi pas ?… Évidemment, si le sort de cette pauvre sotte vous est indifférent, vous n’avez qu’à raccrocher et nous n’en parlerons plus ; mais si vous avez d’elle quelque souci vous viendrez nous rejoindre… sans oublier la perle de Napoléon. Elle est très importante pour moi…
— Un souvenir de famille peut-être ?
— Qui peut savoir ?… Alors je vous conseille de me l’apporter et le plus vite sera le mieux. Pour Tania, s’entend !
— Sinon ?
Aldo entendit au bout du fil un éclat de rire métallique incroyablement cruel qui lui fit froid dans le dos puis sa conclusion logique :
— Je la tuerai mais je peux vous assurer qu’elle mettra très longtemps à mourir… Voyez-vous, elle m’a trahi en s’acoquinant avec vous et cela mérite une
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