Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Pierre angulaire

La Pierre angulaire

Titel: La Pierre angulaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Zoé Oldenbourg
Vom Netzwerk:
grande était la faute d’Églantine. Le porcher de Bernon était un gros gaillard aux naseaux à mettre des noix dedans, aux lèvres comme de la viande crue. La dame espérait que, le prêtre venu, Herbert aurait le temps de changer d’idée.
    Herbert n’avait plus l’air de songer à Églantine. Il était sorti dans le pré et jouait avec ses chiens. La belle Orlrud, descendue de la litière, courait près des buissons déjà verdissants et battait des mains pour effaroucher les moineaux ; elle riait tout haut en les regardant battre de leurs petites ailes et voleter autour d’elle dans l’herbe. Ses cheveux blonds flottaient autour de sa figure rose et blanche et sa robe de mousseline rouge faisait paraître l’herbe plus verte. Elle était si jolie à voir que tous les valets de Bernon, arrêtant leur travail, suivaient des yeux ses mouvements secs et saccadés de jeune chevreuil apprivoisé.
    Le chapelain de Linnières arrivait en toute hâte sur son mulet, un peu inquiet, car il redoutait toujours les fantaisies du gros seigneur. Herbert leva la tête vers lui, lentement, comme s’il avait déjà oublié le motif de sa venue. Mais les restes de son sursaut de colère agitaient encore les coins de ses lèvres. « Ah ! dit-il. Te voilà, vieux paillard tondu. Pas pressé, aujourd’hui, tu cuvais ta bière, hein ? » Le chapelain descendit de son mulet et s’excusa humblement ; son désir d’obéir au seigneur, disait-il, était rapide comme l’éclair, mais sa mule têtue comme celle de Balaam.
    « Pas de bavardages, dit Herbert. J’ai besoin de toi. C’est pour un mariage. Et fais vite, je dois être à Bercen ce soir.
    — Le seigneur va-t-il y assister lui-même ?
    — Diable ! Que je sois cocu comme ton père si j’ai envie de bouger d’ici. Allez ! Dépêche-toi. Amène-les ici et fais vite, et si la dame commence à te dire des sottises, fais-la taire. »
    Le père Martin ressortit bientôt de la maison et s’engagea sur les planches, suivi de la dame et d’Églantine ; la jeune fille s’accrochait à la manche de la dame, se serrait contre elle comme si elle eût voulu se cacher dans sa robe – Macaire arrivait de la porcherie, tout tremblant, les mains rouges, car il venait de les laver. Il avait le dos voûté et la tête baissée et ne savait où mettre ses gros pieds entourés de peaux trouées.
    « Allons, beau garçon, voilà la belle fiancée qu’on te donne ! dit le seigneur. Je n’ai qu’une parole : tu auras la dot – le revenu sur les vignes de Linnières, plus les hardes. Et je te ferai maître de la porcherie de Bercen, tu y seras mieux qu’ici. Faites de beaux enfants ensemble, je serai parrain.
    — Fils, dit la dame, c’est un péché de rire d’un sacrement de Dieu. Elle est une mauvaise putain, enfermez-la, tuez-la, mais ne lui faites pas cette honte.
    — Pour la honte, parlons-en, dit Herbert. Ce garçon est sorti de la côte d’Adam comme vous et moi. Mieux vaut vivre en mariage qu’en péché. Vous ne pensez pas qu’un homme de noble race va la prendre ?
    — Fils, dit la dame, si votre père revient je n’oserai le regarder dans les yeux. Je ne vous pardonnerai pas si vous faites cela.
    — Dame, dit-il, je vous ai assez cédé. Je sais ce que je fais. Père Martin, vous pouvez commencer vos patenôtres.
    — Il n’y a pas d’anneaux, dit le prêtre, hésitant.
    — Quoi ! Des simagrées ? cria Herbert. Des anneaux, en voilà un. » Il retira une bague de son doigt. « Eh ! Ortrud, ma belle, viens ici. » La jolie fille approcha, souriant de son éternel sourire espiègle. « Donne ta main. Donne-moi une bague de ton doigt pour cette fille. Elle a la main plus grosse que toi, mais pour ce qu’il faut faire, ça ira. »
    Églantine restait debout, muette, les mains derrière le dos, les yeux si durs qu’elle faisait peur à voir. « Vous êtes bien hardi, grand frère Herbert », dit-elle seulement, d’une voix rauque.
    Puis elle se laissa marier sans protester. Elle n’avait pas une seule fois tourné les yeux vers Macaire. Et Macaire, gauche et penaud, reniflait d’émotion, se demandant si la plaisanterie allait durer longtemps. Il savait bien que ce mariage était humiliant pour lui, et qu’on l’avait choisi parce qu’on n’avait trouvé personne de plus bas que lui. La dot, il n’y pensait pas, il n’en avait que faire. Et les rires de. ses camarades lui cuisaient par avance sur les joues : on n’a

Weitere Kostenlose Bücher