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La Pierre angulaire

La Pierre angulaire

Titel: La Pierre angulaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Zoé Oldenbourg
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armes sur le mur et les écus peints brillaient de couleurs vives. Il y avait cent personnes aux grandes tables et plus de trois cents aux tables inférieures, sans compter les chevaliers et écuyers qui étaient de service. La comtesse, sous un dais de brocart rouge, présidait la table du milieu, l’archevêque de Troyes celle de droite et le tout jeune comte Thibaut celle de gauche.
    Les dames de Pouilli et de Mongenost étaient au bas de la table de la comtesse, comme petites châtelaines, mais elles étaient bien contentes d’y être quand même – pour leur beauté et leurs bonnes manières la comtesse aimait à les voir près d’elle. Et le maréchal de Troyes, à qui l’on venait de servir un pigeon farci, tout orné de plumes blanches et entouré de petits piments rouges et verts, le fit porter à la dame de Pouilli, pour lui demander d’en goûter, elle lui ferait ainsi grand honneur, le rouge étant la couleur de son amour et le vert celle de l’espoir, et le blanc celle de la beauté de la dame. Aielot accepta le présent, et envoya au maréchal un beau sourire à travers la table, tant que ses joues se creusèrent non pas de deux, mais de quatre fossettes. Elle partagea le pigeon avec son mari, qui en mangea les trois quarts. Elle-même croquait les piments, elle n’aimait rien tant que les mets qui brûlent la bouche. « Vous voyez, dit-elle à la dame de Mongenost, le jeune homme qui est debout derrière mon père, là, à la table de l’archevêque ? Vous le reconnaissez ?
    — Il eût fallu que j’aie de bons yeux, dit Marie, avec une petite moue. — Moi, dit Aielot, j’ai mon cœur qui le voit. C’est mon frère. Le jour où je lui mettrai ses éperons, je crois que j’en pleurerai de joie. Vous, amie, vous avez le cœur bien dur. — Il n’est pas mon frère, dit la dame de Mongenost en souriant.
    — Il peut être plus pour vous, vous n’auriez qu’à vouloir. Et je connais de belles dames qui seraient heureuses de l’aimer. Mais lui ne veut que la plus belle de toutes. — Paix ! Ce n’est pas bien de me flatter, amie. S’il me veut, il a bien tort, car il ne m’aura jamais. — Et je vous parlerai tant de lui, que vous finirez par l’aimer. »
    Le repas était long, et les viandes étaient apportées sur les tables, par ordre d’importance, la volaille d’abord, puis le menu gibier, puis les cerfs et les chevreuils assis comme vivants sur des plats longs d’une aune, dressant leurs têtes graciles, ornées de verdure et de rubans, les cornes dorées, et autour de leurs flancs les épices étaient disposées sur de larges feuilles de vigne faisant des arabesques noires et rouges en forme de plantes ou de bêtes. Chaque cuisinier du château avait tenu à y mettre la main, et des queux des châteaux voisins, prêtés par leurs maîtres pour l’occasion, avaient voulu montrer leur science et chacun avait obtenu au moins un plat à confectionner : ils se pressaient à la porte de la salle, écoutant les ah ! et les oh ! d’admiration provoqués par l’apparition de chaque plat, les écuyers les portaient le long des tables, les levant bien haut pour les faire admirer, puis les remettaient aux chevaliers préposés aux viandes, qui les portaient plus loin, à la comtesse ou à l’archevêque. Mais personne, ni la comtesse ni l’archevêque n’eurent plus de joie de la beauté des plats que n’en avaient les maîtres queux.
    Pour le dessert il y eut des cygnes, et des paons à la queue déployée, et de petites cailles posées en essaims sur les herbes épicées. Puis il y eut des fruits confits, et du miel servi dans de petits pots de couleurs vives, et de la pâte d’amandes.
    Comme la fête ne devait pas être seulement pour la bouche et les yeux, mais aussi pour les oreilles, la musique était douce, et devant chaque table les vielleurs et les luthiers jouaient des airs nouveaux, les faisant accompagner de chant. Mais la meilleure musique était d’habitude réservée pour les danses et les concerts dans les chambres des dames, après la sieste. Il y avait quelques bons musiciens à la cour à ce moment-là. Ils étaient eux-mêmes assis au bas de la table de l’archevêque et goûtaient aux restes des plats servis en haut ; et parfois aussi quelque noble admirateur leur envoyait de ses propres mets.
    Les danses avaient commencé dans la salle ornée de lourdes guirlandes de fleurs jaunes et bleues, et le long des murs étaient disposés les bancs

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