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La pierre et le sabre

La pierre et le sabre

Titel: La pierre et le sabre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eiji Yoshikawa
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frapperait. Ils étaient
conscients d’avoir affaire à un type d’homme exceptionnel.
    Même Kizaemon ne pouvait rien
tenter. « Curieux homme ! » se disait-il à part soi.
    Sabres, hommes, terre, ciel :
tout semblait statufié par le gel. Mais alors, dans cette immobilité se fit
entendre un son totalement inattendu, le son d’une flûte, apporté par le vent.
    Tandis que la mélodie s’insinuait
dans les oreilles de Musashi, il s’oubliait lui-même, oubliait l’ennemi,
oubliait la vie et la mort. Dans les profondeurs de son âme il reconnaissait ce
son : c’était celui qui l’avait attiré hors de sa cachette sur le mont
Takateru – le son qui l’avait livré aux mains de Takuan. C’était la
flûte d’Otsū, et c’était Otsū qui en jouait.
    Musashi s’attendrit au fond de
lui-même. A l’extérieur, le changement était à peine perceptible, mais cela
suffisait. Poussant un cri de guerre jailli du tréfonds de lui-même, Kimura se
jeta en avant ; son bras qui tenait le sabre parut s’allonger de plusieurs
mètres.
    Les muscles de Musashi se
contractèrent. Il était certain d’avoir été blessé. De l’épaule au poignet sa
manche gauche était déchirée, et son bras soudainement dénudé lui faisait
croire que la chair se trouvait à vif.
    Pour une fois, sa maîtrise de
lui-même l’abandonna ; il cria le nom du dieu de la guerre. Il bondit, fit
un brusque demi-tour, et vit Kimura trébucher vers la place que lui-même avait
occupée.
    — Musashi ! cria Debuchi
Magobei.
    — Tu parles mieux que tu ne
te bats ! ironisa Murata, tandis que lui-même et Kizaemon s’efforçaient de
couper la retraite à Musashi.
    Mais ce dernier, d’un puissant
coup de pied par terre, bondit de nouveau au point d’effleurer les basses
branches des pins. Puis il sauta encore et encore, et s’envola dans les
ténèbres sans demander son reste.
    — Lâche !
    — Musashi !
    — Sois un homme !
    Quand Musashi atteignit le bord du
premier fossé du château, il y eut un craquement de branchages, puis le
silence. On n’entendit plus que la douce mélodie de la flûte, au loin.
     
     
     
Les rossignols
     
    Aucun moyen de savoir s’il y avait
de l’eau stagnante au fond du fossé de dix mètres. Après avoir plongé dans la
haie proche du sommet, et s’être laissé glisser rapidement à mi-hauteur,
Musashi s’arrêta et lança une pierre. Comme il n’entendait pas d’éclaboussures,
il sauta au fond où il se coucha sur le dos, dans l’herbe, sans faire aucun
bruit.
    Au bout d’un moment, sa
respiration se calma et son pouls redevint normal.
    « Otsū ne peut se
trouver ici, à Koyagyū ! se disait-il. Mes oreilles doivent me jouer
des tours... Pourtant, ce n’est pas impossible. C’était peut-être elle. »
    Tout en réfléchissant, il
imaginait les yeux d’Otsū parmi les étoiles, au-dessus de lui, et bientôt
des souvenirs l’emportèrent : Otsū au col, à la frontière entre le
Mimasaka et le Harima, où elle avait dit qu’elle ne pouvait pas vivre sans lui,
qu’il n’y avait pas d’autre homme pour elle au monde. Et puis au pont de
Hanada, à Himeji, quand elle lui avait déclaré qu’elle l’avait attendu près de
mille jours, et l’aurait attendu dix ans, vingt ans – jusqu’à ce qu’elle
fût vieille et grisonnante. Elle l’avait supplié de l’emmener avec lui ;
elle avait affirmé qu’elle pouvait supporter n’importe quelle épreuve.
    La fuite de Musashi à Himeji
constituait une trahison. A la suite de cela, comme Otsū devait l’avoir haï !
Comme elle devait s’être mordu les lèvres en maudissant l’inconséquence des
hommes !
    — Pardonne-moi !
    Les mots qu’il avait gravés sur le
garde-fou du pont lui jaillirent des lèvres. Des larmes perlèrent au coin de
ses yeux.
    Un cri venu du sommet du fossé le
fit tressaillir. Cela semblait être : « Il n’est pas là ! »
Trois ou quatre torches de pin clignotèrent parmi les arbres, puis disparurent.
On ne l’avait pas repéré.
    Il s’agaça de constater qu’il
pleurait. « Qu’ai-je à faire d’une femme ? » se dit-il avec
mépris en s’essuyant les yeux avec les mains.
    Il se remit sur pied d’un bond, et
leva les yeux vers les noirs contours du château de Koyagyū.
    « Ils m’ont traité de lâche ;
ils ont dit que j’étais incapable de me battre comme un homme ! Eh bien,
je ne suis pas vaincu encore ; loin de là. Je n’ai pas fui. Il s’agit

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