La pierre et le sabre
se passe ?
Du couloir, maintenant, Akemi
criait, inquiète :
— Mère ! Es-tu là ?
Réponds-moi, je t’en prie !
A tâtons, Okō regagna sa
propre chambre, adjacente à celle de Takezō, et de là répondit. Les
hommes, au-dehors, semblaient avoir forcé les volets et pris d’assaut la
maison. En arrivant à la grande salle, Okō vit six ou sept paires de
larges épaules se presser dans la cuisine contiguë, au sol en terre battue,
plus basse d’une bonne marche : elle se trouvait à un niveau inférieur à
celui des autres pièces.
L’un des hommes cria :
— C’est Tsujikazé Temma !
Donne-nous de la lumière !
Les hommes s’élancèrent avec
brutalité dans la partie principale de la maison. Ils ne prirent même pas le
temps d’ôter leurs sandales, signe certain de mauvaises manières. Ils se mirent
à fouiller partout : dans les armoires, dans les tiroirs, sous l’épais
tatami de paille qui couvrait le sol. Trônant comme un roi près du foyer, Temma
regardait ses acolytes mettre à sac les pièces de manière systématique. Il
jubilait de diriger les opérations, mais parut bientôt se lasser de sa propre
inaction.
— Ça n’avance pas,
gronda-t-il en frappant du poing le tatami. Tu dois en avoir ici. Où ça ?
— Je ne sais pas de quoi vous
parlez, répondit Okō, en joignant d’un air patient les mains sur son
ventre.
— A d’autres, femme !
brailla-t-il. Où est-ce ? Je sais que c’est ici !
— Je n’ai rien !
— Rien ?
— Rien.
— Eh bien alors, peut-être
que tu dis vrai. Peut-être qu’on m’aura mal renseigné...
Il la considéra d’un air
soupçonneux, en tirant sur sa barbe et en la grattant.
— ... Suffit, les gars !
tonna-t-il.
Cependant, Okō s’était assise
dans la pièce voisine, la porte coulissante large ouverte. Elle avait beau lui
tourner le dos, même ainsi elle paraissait le défier, comme pour lui dire qu’il
pouvait continuer de fouiller partout selon sa fantaisie.
— Okō ! appela-t-il
d’un ton bourru.
— Que voulez-vous ?
répondit-elle d’un ton glacial.
— Et si tu nous donnais un
petit quelque chose à boire ?
— Voulez-vous de l’eau ?
— Ne me provoque pas... la
mit-il en garde, menaçant.
— Le saké est là-bas.
Buvez-le si vous le voulez.
— Oh ! Okō...
dit-il, radouci, l’admirant presque pour son sang-froid opiniâtre. Sois pas
comme ça. Ça fait longtemps que je ne suis pas venu te voir. C’est-y une façon
de traiter un vieil ami ?
— Drôle de visite !
— Allons, calme-toi. C’est en
partie de ta faute, tu sais. Trop de gens m’ont parlé de ce que fabriquait la « veuve
de l’homme au moxa » pour croire que tout ça n’était que mensonges. On me
dit que tu as envoyé ta jolie fille détrousser les cadavres.
— Prouvez-le !
cria-t-elle d’une voix aiguë. Où sont vos preuves !
— Si j’avais eu l’intention
de tirer ça au clair, je n’en aurais pas averti Akemi. Tu connais les règles du
jeu. C’est mon territoire, et je dois fouiller ta maison. Sinon, tout le monde
croirait pouvoir faire la même chose. Et alors, qu’est-ce que je deviendrais ?
Je dois me protéger, tu sais !
Elle le considérait en silence,
dure, la tête à demi tournée vers lui, le menton et le nez fièrement dressés.
— ... Allons, je vais fermer
les yeux pour cette fois. Mais dis-toi bien que c’est une mesure de faveur.
— Une mesure de faveur ?
De qui ? De vous ? Vous voulez rire ?
— Okō, dit-il d’un ton
cajoleur, viens ici me verser à boire.
Comme elle ne bougeait pas, il
explosa :
— ... Espèce de folle !
Tu ne vois donc pas que si tu étais gentille avec moi, tu n’aurais pas à vivre
comme tu vis ?
S’étant un peu calmé, il lui donna
ce conseil :
— ... Réfléchis.
— C’est trop de bonté pour
moi, monsieur, répliqua-t-elle, venimeuse.
— Tu n’as donc pas d’amitié
pour moi ?
— Une simple question :
qui a tué mon époux ? Je suppose que vous souhaiteriez me faire croire que
vous l’ignorez ?
— Si tu désires te venger de
son assassin, quel qu’il soit, je serai heureux de t’y aider. Par tous les
moyens en mon pouvoir.
— Ne faites pas l’innocent !
— Qu’est-ce que tu veux dire
par là ?
— Il semble que l’on vous
raconte tant de choses... Ne vous a-t-on pas dit que c’était vous-même qui l’aviez
tué ? Ne vous a-t-on pas dit que le meurtrier, c’était Tsujikazé
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