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La pierre et le sabre

La pierre et le sabre

Titel: La pierre et le sabre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eiji Yoshikawa
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dormant, il le serrait contre lui. Le
frais contact de la surface ligneuse contre sa joue lui rappelait le plancher
du dōjō où il avait pratiqué les techniques du sabre en hiver. Cet
instrument presque parfait, à la fois artistique et mortel, réveillait en lui l’esprit
combatif qu’il avait hérité de son père.
    Takezō avait adoré sa mère,
mais elle avait quitté son père et était allée vivre ailleurs alors qu’il était
encore en bas âge, le laissant seul avec Munisai, un officier très à cheval sur
les principes, qui n’aurait pas su gâter un enfant dans le cas improbable où il
l’aurait voulu. En présence de son père, le petit garçon s’était toujours senti
gêné, effrayé, jamais vraiment à l’aise. Quand il eut neuf ans, il brûlait à
tel point d’entendre une parole bienveillante de sa mère qu’il s’enfuit de chez
lui pour faire tout le chemin de la province de Harima, où elle vivait. Takezō
ne sut jamais pourquoi sa mère et son père s’étaient séparés, et, à cet âge,
peut-être qu’une explication n’aurait pas servi à grand-chose. La mère avait
épousé un autre samouraï duquel elle avait un autre enfant.
    Une fois arrivé à Harima, le petit
fugueur ne fut pas long à retrouver sa mère. Elle l’emmena dans un endroit
boisé, derrière le sanctuaire local, pour qu’on ne les vît pas, et là, les yeux
pleins de larmes, le serra dans ses bras en tâchant de lui expliquer pourquoi
il devait retourner chez son père. Takezō n’oublia jamais la scène ;
toute son existence, il devait se la rappeler dans les moindres détails.
    Bien sûr, Munisai, en bon samouraï
qu’il était, dès qu’il avait appris la disparition de son fils avait envoyé des
émissaires pour le ramener. On pouvait facilement deviner où l’enfant s’était
réfugié. On le ramena à Miyamoto comme un fagot, ficelé sur le dos d’un cheval
non sellé. Munisai l’accueillit en le traitant de moutard insolent, et, dans un
état de fureur confinant à l’hystérie, le battit comme plâtre. Plus nettement
que tout le reste, Takezō se souvenait de quelle manière venimeuse son
père avait lancé son ultimatum :
    — Si tu retournes encore une
fois chez ta mère, je te renie.
    Peu de temps après cet incident, Takezō
apprit que sa mère était tombée malade et était morte. Sa mort eut pour effet
de transformer cet enfant tranquille et mélancolique en la brute du village.
Munisai lui-même finit par le craindre. Quand il s’approchait du garçon avec un
bâton, le garçon ripostait avec un gourdin. Le seul à lui tenir tête était
Matahachi, lui aussi fils de samouraï ; les autres enfants pliaient tous
devant Takezō. Dès sa douzième ou treizième année, il était presque aussi
grand qu’un adulte.
    Une année, un escrimeur errant du
nom d’Arima Kihei hissa un drapeau blasonné d’or, et proposa de relever les
défis des villageois. Takezō le tua sans effort ; les villageois
firent l’éloge de sa prouesse. Mais la haute opinion qu’ils avaient de lui ne
dura guère : avec les années, il devenait de plus en plus intraitable et
brutal. Beaucoup le croyaient sadique, et bientôt, à sa vue les gens prirent le
large. Son attitude envers eux en vint à refléter leur froideur.
    Quand son père, plus dur et
inflexible que jamais, finit par mourir, le caractère cruel de Takezō s’amplifia
encore. N’eût été sa sœur aînée, Ogin, il se fût sans doute mis dans quelque
très mauvais cas, et eût été chassé du village par une foule irritée. Par
chance il aimait beaucoup sa sœur, et, sans recours devant ses larmes, faisait
généralement tout ce qu’elle lui demandait.
    Le départ pour la guerre avec
Matahachi représenta un tournant pour Takezō. Il indiquait que d’une façon
quelconque, le jeune homme voulait s’insérer dans la société. La défaite de
Sekigahara avait brutalement brisé ces espérances, et Takezō se trouva
replongé dans la ténébreuse réalité d’où il croyait s’être échappé. Cet
adolescent ne jouissait pas moins de l’extrême inconscience qui ne fleurit qu’aux
époques troublées. Quand il dormait, son visage devenait aussi paisible que
celui d’un petit enfant ; la pensée du lendemain ne l’agitait pas le moins
du monde. Il avait sa part de rêves, endormi ou éveillé, mais ne souffrait
guère de véritables déceptions. Parti avec si peu, il n’avait pas grand-chose à
perdre, et bien qu’en un sens il fût

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