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La pierre et le sabre

La pierre et le sabre

Titel: La pierre et le sabre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eiji Yoshikawa
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auparavant.
    Les heures s’écoulèrent. Tout le
monde, à la cuisine, commença de se demander où elle était passée. Le capitaine
qui dirigeait les recherches se contentait de laisser dormir dans les bois ses
hommes épuisés, mais quand lui-même regagnait le temple au crépuscule, il
exigeait les réconforts qui convenaient à son rang. Il fallait chauffer le bain
à telle température précise, préparer selon ses directives du poisson frais de
la rivière, et quelqu’un devait aller chercher du saké de la meilleure qualité
dans l’une des demeures du village. Le bien-être de cet homme nécessitait
beaucoup de travail, dont une bonne part incombait naturellement à Otsū.
Comme elle demeurait introuvable, le dîner du capitaine fut en retard.
    Takuan sortit à sa recherche. Il
ne se souciait pas le moins du monde du capitaine mais commençait à s’inquiéter
au sujet d’Otsū elle-même. Cela ne lui ressemblait nullement de partir
sans un mot. En l’appelant, le moine traversa le jardin du temple, et passa
plusieurs fois à côté de l’atelier de tissage. Comme la porte était close, il
ne se donna pas la peine de regarder à l’intérieur.
    A plusieurs reprises, le prêtre du
temple sortit sur le passage surélevé pour crier à Takuan :
    — Tu ne l’as pas encore
trouvée ? Elle est sûrement quelque part dans les parages !
    Comme le temps passait, tout hors
de lui, il cria :
    — ... Dépêche-toi de la
retrouver ! Notre hôte dit qu’il ne peut boire son saké sans qu’elle soit
ici pour le lui verser.
    L’on dépêcha le serviteur du
temple au bas de la colline pour la rechercher, lanterne en main. Presque au
moment où il partait, Takuan finit par ouvrir la porte de l’atelier de tissage.
    Ce qu’il vit à l’intérieur le fit
sursauter. Otsū était affaissée sur le métier, dans un état de désolation
manifeste. Ne voulant pas être indiscret, Takuan garda le silence, les yeux
fixés sur les deux lettres froissées et déchirées qui gisaient par terre. Elles
avaient été piétinées comme deux effigies de paille.
    Takuan les ramassa.
    — Ce ne sont pas les lettres
que le facteur a apportées aujourd’hui ? demanda-t-il avec douceur.
Pourquoi ne les ranges-tu pas ?
    Otsū secoua faiblement la
tête.
    — ... Tout le monde est à
moitié fou d’inquiétude à ton sujet. J’ai regardé partout. Viens, Otsū,
rentrons. Je sais que tu ne le veux pas, mais tu as réellement du travail à
faire. D’abord, tu dois servir le capitaine. Le vieux prêtre en a presque perdu
l’esprit.
    — J’ai... j’ai mal à la tête,
chuchota-t-elle. Takuan, ne pourrait-on me laisser libre ce soir... juste ce
soir ?
    Takuan soupira.
    — Otsū, je crois
personnellement que tu ne devrais pas avoir à servir le saké au capitaine, ni
ce soir, ni aucun autre soir. Mais le prêtre est d’un avis différent. C’est un
homme de ce monde. Il n’est pas du genre à pouvoir obtenir le respect ou le
soutien du daimyō pour le temple par la seule élévation morale. Il croit devoir
donner à boire et à manger au capitaine... veiller à son bien-être de chaque
instant.
    Il tapota l’épaule d’Otsū.
    — ... Et, après tout, c’est
lui qui t’a recueillie et élevée ; aussi, tu lui dois bien quelque chose.
Tu n’auras pas à rester longtemps.
    Elle accepta à contrecœur. Tandis
que Takuan l’aidait à se mettre debout, elle leva vers lui son visage barbouillé
de larmes en disant :
    — J’irai, mais seulement si
tu promets de rester avec moi.
    — Je n’y vois aucun
inconvénient mais cette vieille barbe hirsute ne m’aime pas, et, chaque fois
que je vois sa stupide moustache, j’ai une irrésistible envie de lui dire à
quel point je la trouve ridicule. C’est puéril, je le sais bien, mais certaines
gens me font cet effet-là.
    — Je ne veux pas y aller
seule !
    — Le prêtre est là, non ?
    — Oui, mais il s’en va
toujours au moment où j’arrive.
    — Hum... Mauvais, ça. Très
bien, je t’accompagne. Maintenant, n’y pense plus, et va te laver la figure.
    Lorsqu’enfin Otsū parut chez
le prêtre, le capitaine, déjà dans les vapeurs de l’ivresse, se ragaillardit aussitôt.
Redressant son couvre-chef, déjà nettement de travers, il devint tout à fait
jovial et demanda rasade sur rasade. Bientôt, sa face s’empourpra, et les coins
de ses yeux globuleux s’affaissèrent.
    Pourtant, une présence
particulièrement indésirable dans la pièce

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