Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La pierre et le sabre

La pierre et le sabre

Titel: La pierre et le sabre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eiji Yoshikawa
Vom Netzwerk:
rendait sa joie incomplète. De l’autre
côté de la lampe était assis Takuan, courbé comme un mendiant aveugle, absorbé
dans la lecture du livre ouvert sur ses genoux.
    Prenant à tort le moine pour un
acolyte, le capitaine le désigna et brailla :
    — Hé, toi, là-bas !
    Takuan continua de lire jusqu’à ce
qu’Otsū le poussât du coude. Il leva des yeux absents, regarda tout autour
de lui, et dit :
    — C’est à moi que vous parlez ?
    D’un ton bourru le capitaine
répondit :
    — Oui, à toi ! Je n’ai
que faire de toi. Va-t’en !
    — Oh ! ça ne me gêne pas
de rester, répondit Takuan avec innocence.
    — Vraiment, ça ne te gêne pas ?
    — Non, pas le moins du monde,
dit Takuan en se replongeant dans son livre.
    — Eh bien, moi, ça me gêne !
explosa le capitaine. Ça gâte le goût du bon saké d’avoir à côté de soi quelqu’un
qui lit.
    — Oh ! pardonnez-moi,
répondit Takuan en feignant la sollicitude. Comme c’est grossier de ma part !
Je fermerai donc le livre.
    — Sa seule vue m’agace.
    — Soit. Je vais demander à Otsū
d’aller le ranger.
    — Pas de livre, espèce d’idiot !
C’est de toi que je parle ! Tu gâches le tableau.
    L’expression de Takuan devint
grave.
    — Voilà qui pose problème,
non ? Ce n’est pas comme si j’étais le saint Wou-k’oung, et pouvais me
changer en bouffée de fumée, ou devenir un insecte et me percher sur votre
plateau.
    Le cou rouge du capitaine se
gonfla, et les yeux lui sortirent de la tête. Il avait l’air d’un poisson-lune.
    — Dehors, espèce de dingue !
Hors de ma vue !
    — Très bien, dit Takuan avec
douceur en s’inclinant.
    Il prit Otsū par la main, et
s’adressa à elle :
    — ... Notre hôte dit qu’il
préfère être seul. L’amour de la solitude est la caractéristique du sage. Nous
ne devons pas l’ennuyer plus longtemps. Viens.
    — Comment... comment ?
Tu... tu...
    — Il y a quelque chose qui ne
va pas ?
    — Qui t’a parlé d’emmener Otsū,
affreux minus ?
    Takuan croisa les bras.
    — Je me suis rendu compte
avec les années que peu de prêtres ou de moines étaient particulièrement beaux.
Peu de samouraïs aussi, d’ailleurs. Vous, par exemple.
    Les yeux du capitaine manquèrent
jaillir de leurs orbites.
    — Quoi ?
    — Avez-vous examiné votre
moustache ? Je veux dire : avez-vous jamais vraiment pris le temps de
la regarder, de l’évaluer d’une manière objective ?
    — Salaud ! cria le
capitaine en tendant la main vers son sabre appuyé contre le mur. Prends garde
à toi !
    Tandis qu’il se levait, Takuan,
tout en le surveillant du coin de l’œil, lui demanda placidement :
    — Hum... Comment faire pour
prendre garde à moi ?
    Le capitaine, son sabre dans son
fourreau à la main, hurla :
    — Je n’en supporterai pas
davantage ! Tu vas recevoir ce que tu mérites !
    Takuan éclata de rire.
    — Cela veut-il dire que vous
avez l’intention de me couper la tête ? Si oui, n’y songez plus. Ce serait
assommant.
    — Hein ?
    — Assommant. Je ne connais
rien de plus assommant que de couper la tête à un moine. Elle tomberait tout
simplement par terre et resterait là, à vous regarder en riant. Pas une grande
action d’éclat, et quel bien cela pourrait-il vous faire ?
    — Mon Dieu, gronda le
capitaine, disons seulement que j’aurais la satisfaction de fermer ta sale
gueule. Tu en aurais, du mal, à garder pour toi ton insolent bavardage !
    Rempli du courage que les gens de
son espèce puisent dans le fait d’avoir une arme à la main, il éclata d’un
vilain rire caverneux et s’avança d’un air menaçant.
    — Voyons, capitaine !
    Les façons désinvoltes de Takuan l’avaient
mis dans une telle fureur que la main avec laquelle il tenait son fourreau
tremblait violemment. Pour essayer de protéger Takuan, Otsū se glissa
entre les deux hommes.
    — ... Qu’est-ce que tu nous
chantes là, Takuan ? dit-elle dans l’espoir de détendre l’atmosphère et de
gagner du temps. On ne parle pas ainsi à un guerrier. Allons, présente tes
excuses, supplia-t-elle. Allons, demande pardon au capitaine.
    Mais Takuan était loin d’en avoir
terminé.
    — Ecarte-toi, Otsū. Tout
va bien pour moi. Crois-tu vraiment que je me laisserais décapiter par un benêt
comme celui-ci qui, bien qu’il commande à des dizaines et des dizaines d’hommes
capables, armés, a gaspillé vingt jours à tenter de retrouver un seul

Weitere Kostenlose Bücher