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La pierre et le sabre

La pierre et le sabre

Titel: La pierre et le sabre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eiji Yoshikawa
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l’un derrière l’autre, au-dehors, il ouvrit brusquement
la porte d’un coup de pied, et bondit en hurlant un terrifiant cri de guerre.
Toujours nu, ses cheveux mouillés flottant en tous sens, il empoigna et arracha
la première lance que l’on pointa vers lui, envoyant son propriétaire voler
dans les buissons. Fermement agrippé à l’arme, il tourbillonna comme un derviche
tourneur en frappant quiconque approchait. Il avait appris à Sekigahara que
cette méthode était d’une étonnante efficacité face à un ennemi supérieur en
nombre, et que la hampe d’une lance pouvait être souvent plus utile que son
fer.
    Les assaillants, s’apercevant trop
tard de l’erreur qu’ils avaient commise en n’envoyant pas d’abord trois ou
quatre hommes envahir la maison de bains, s’encourageaient l’un l’autre de la
voix. Mais il était clair qu’ils avaient été déjoués.
    Quand, pour la dixième fois environ,
l’arme de Takezō entra en contact avec le sol, elle se brisa. Il saisit
alors une grosse pierre et la lança aux hommes, qui donnaient déjà des signes
de relâchement.
    — Regardez, il a couru dans
la maison ! cria l’un d’eux, tandis qu’Osugi et sa bru se précipitaient au
jardin de derrière.
    Takezō s’élançait en trombe à
travers la maison dans un vacarme épouvantable en hurlant :
    — Où sont mes vêtements ?
Rendez-moi mes vêtements !
    Il y avait çà et là des vêtements
de travail, sans parler d’un coffre ouvragé contenant des kimonos, mais Takezō
ne leur accorda aucune attention. Dans la pénombre il se fatiguait les yeux à
chercher ses propres affaires en lambeaux. Ayant fini par les découvrir dans un
coin de la cuisine, il les saisit d’une main, grimpa sur un large four en terre,
et se faufila par une lucarne. Cependant qu’il gagnait le toit, ses poursuivants,
maintenant en pleine confusion, lançaient des jurons et se rendaient mutuellement
responsables de leur échec.
    Debout au milieu du toit, Takezō
revêtit son kimono sans se presser. Avec les dents, il déchira de la ceinture
une bande de tissu, rassembla en arrière ses cheveux humides, et les attacha
près des racines, si serré que cela lui tirait les sourcils et le coin des
yeux.
    Le ciel de printemps était rempli
d’étoiles.
     
     
     

L’art de la guerre
     
    Les recherches quotidiennes dans
les montagnes se poursuivirent, et les travaux des champs en pâtirent ;
les villageois ne pouvaient ni s’adonner à la culture, ni s’occuper de leurs
vers à soie. Devant la maison du chef du village et à tous les carrefours, de
vastes écriteaux promettaient une substantielle récompense à quiconque
capturerait ou tuerait Takezō, ainsi qu’une rétribution appropriée pour
tout renseignement aboutissant à son arrestation. Ces inscriptions portaient l’impressionnante
signature d’Ikeda Terumasa, seigneur du château de Himeji.
    A la maison Hon’iden, c’était la
panique. Osugi et sa famille, en proie à la frayeur mortelle que Takezō ne
revînt se venger, verrouillèrent le portail principal et barricadèrent toutes
les entrées. Les patrouilleurs, sous la direction des troupes de Himeji,
tirèrent de nouveaux plans en vue de capturer le fugitif. Jusque-là, tous leurs
efforts s’étaient révélés vains.
    — Il en a tué un autre !
cria un villageois.
    — Où ça ? C’était qui,
cette fois ?
    — Un samouraï quelconque.
Personne n’a encore pu l’identifier.
    Le cadavre avait été découvert à
proximité d’un sentier, aux abords du village, la tête dans une touffe de
hautes herbes, et les jambes dressées vers le ciel dans une posture étonnamment
contorsionnée. Effrayés mais d’une incorrigible curiosité, les villageois s’attroupèrent
et commentèrent l’événement. Le crâne avait été fracassé, de toute évidence
avec une des pancartes en bois promettant les récompenses, laquelle gisait
maintenant en travers du corps ensanglanté. Ceux qui contemplaient bouche bée
ce spectacle ne pouvaient pas ne pas lire la liste des récompenses promises.
Certains riaient jaune devant cette ironie flagrante.
    Les traits tirés, le visage pâle, Otsū
s’écarta de la foule. Elle aurait voulu n’avoir pas regardé. Elle se hâta vers
le temple, en s’efforçant d’effacer l’image de la face du mort, gravée dans son
esprit. Au pied de la colline, elle tomba sur le capitaine qui logeait au
temple ; il était accompagné de cinq ou six de ses hommes.

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