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La pierre et le sabre

La pierre et le sabre

Titel: La pierre et le sabre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eiji Yoshikawa
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fugitif
épuisé, à moitié mort de faim ? S’il est trop bête pour trouver Takezō,
il serait vraiment stupéfiant qu’il pût me duper, moi !
    — Ne bouge pas !
commanda le capitaine.
    Sa face congestionnée devint
pourpre tandis qu’il entreprenait de dégainer.
    — ... Ecarte-toi, Otsū !
Je vais couper en deux cet acolyte à grande gueule !
    Otsū se jeta aux pieds du
capitaine et le supplia :
    — Vous avez toutes les
raisons d’être en colère, mais, je vous en prie, soyez patient. Il a le cerveau
un peu dérangé. Il parle ainsi à tout le monde. En réalité, il n’en pense pas
un mot !
    Et elle éclata en sanglots.
    — Que dis-tu là, Otsū ?
lui reprocha Takuan. Je suis parfaitement sain d’esprit, et je ne plaisante
pas. Je dis seulement la vérité, que nul ne semble aimer à entendre. C’est un
benêt, aussi l’ai-je traité de benêt. Veux-tu que je mente ?
    — Tu ferais mieux de ne pas
répéter une chose pareille ! tonna le samouraï.
    — Je le répéterai aussi
souvent qu’il me plaira. A propos, je suppose que cela vous est égal, à vous
autres soldats, de perdre votre temps à rechercher Takezō, mais pour les
cultivateurs cela constitue un terrible fardeau. Vous rendez-vous compte de ce
que vous leur infligez ? Ils n’auront bientôt plus rien à manger si vous
continuez. Il ne vous est sans doute même pas venu à l’esprit qu’ils doivent
négliger complètement les travaux des champs pour prendre part à vos chasses
désorganisées au canard sauvage. Et je pourrais ajouter : gratis. C’est
une honte !
    — Tiens ta langue, traître. C’est
de la diffamation caractérisée contre le gouvernement de Tokugawa !
    — Ce n’est pas le
gouvernement de Tokugawa que je critique ; ce sont les fonctionnaires
comme toi qui servent d’intermédiaires entre le daimyō et les gens du
peuple, et qui ne méritent pas l’argent qu’ils gagnent. D’abord, pour quelle
raison au juste te prélasses-tu ici ce soir ? Qu’est-ce qui te donne le
droit de te détendre dans ton beau kimono bien confortable, bien chaud et bien
douillet, de t’attarder au bain et de te faire verser ton saké du soir par une
jolie jeune fille ? Tu appelles cela servir ton seigneur ?
    Le capitaine était sans voix.
    — ... N’est-ce pas le devoir
d’un samouraï que de servir son seigneur avec une inlassable fidélité ? N’est-ce
pas ton métier que de pratiquer la bienveillance envers les gens qui s’échinent
pour le compte du daimyō ? Regarde-toi ! Tu te bornes à fermer
les yeux devant le fait que tu empêches les cultivateurs d’effectuer le travail
d’où ils tirent leur subsistance. Tu n’as même aucune considération pour tes
propres hommes. Tu es censé être en mission officielle, et que fais-tu ? A
la moindre occasion tu te gaves des nourritures et des boissons chèrement
gagnées par autrui, et exploites ta situation pour obtenir le logement le plus
confortable possible. Je dirais que tu es un exemple classique de corruption, à
te draper dans l’autorité de ton supérieur pour ne faire que dissiper les
énergies du peuple à tes propres fins égoïstes.
    Le capitaine était maintenant trop
abasourdi pour fermer sa mâchoire pendante. Takuan pressa le mouvement :
    — ... Et maintenant, essaie seulement
de me couper la tête et de l’envoyer au seigneur Ikesa Terumasa ! Cela,
permets-moi de te le dire, le surprendrait. Il s’écrierait sans doute : « Eh
bien, Takuan ! Est-ce ta seule tête qui vient me voir aujourd’hui ?
Où diable se trouve le restant de ta personne ? » Il t’intéressera
sans doute d’apprendre que le seigneur Terumasa et moi avions coutume de
prendre part ensemble à la cérémonie du thé au Myōshinji. Nous avons aussi
plusieurs fois longuement et agréablement bavardé au Daitokuji de Kyoto.
    La virulence de « Barbe
hirsute » le quitta en un instant. Son ivresse, elle aussi, s’était un peu
dissipée, bien qu’il parût encore incapable de juger par lui-même si Takuan
disait ou non la vérité. Il avait l’air paralysé, ne sachant comment réagir.
    — ... Et d’abord, tu ferais
mieux de t’asseoir, dit le moine. Si tu crois que je mens, je me ferai un
plaisir de t’accompagner au château pour me présenter devant le seigneur en
personne. En cadeau, je pourrais lui porter un peu de la délicieuse farine de
blé noir que l’on fait ici. Il en est particulièrement friand. Toutefois, il n’y
a rien de

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