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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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oyant que le Saint Père envoyait Giovanni Francesco à Rome, vous
avez dépêché M. de La Surie à Paris pour en avertir le roi,
lequel a incontinent retardé le départ de Mgr Du Perron pour
Rome ; délaiement qui a tant inquiété le pape qu’il a rappelé de Madrid
Giovanni Francesco et s’est relâché quelque peu de sa rigueur touchant
l’absolution.
    — Cela est vrai, dit modestement d’Ossat qui, assis sur
une escabelle, non loin de Mgr Du Perron, lequel comme Giustiniani
trônait sur un cancan, paraissait si frêle, si maigre et si estéquit à le
comparer à la vigoureuse stature du prélat français qu’il avait l’air d’un
petit insecte noir à côté d’un gros bourdon. En outre, le petit d’Ossat était
rasé de si près qu’il paraissait aussi imberbe qu’une vierge, tandis que
Du Perron, outre des sourcils noirs très arqués et très broussailleux, qui
abritaient ses yeux noirs brillants, portait un vrai fleuve de barbe, majestueux
et prophétique.
    —  Vostra Eminenza, dis-je en me tournant vers le
cardinal Giustiniani, je suis fort heureux d’apprendre que les négociations
sont en bonne voie et je sais infiniment gré à Mgr Du Perron de
m’avoir invité chez lui en même temps que vous-même, et M. l’abbé d’Ossat.
    À cette gratitude qui était en même temps une demande voilée
d’explication, Mgr Du Perron répondit promptement et selon le mode
suave qu’il affectionnait.
    — Monsieur le Marquis, dit-il, il nous a semblé,
puisque vous aviez été à la peine au point d’avoir failli laisser la vie en
cette affaire, que vous deviez être associé aux espoirs de sa solution,
maintenant qu’ils brillent à notre horizon. En outre, poursuivit-il avec un
regard à Giustiniani et à d’Ossat, nul de nous trois n’ignore que votre esprit
n’est pas dans l’action sans d’infinies ressources, et nous aimerions qu’il
puisse, se peut, nous aider à passer par-dessus la traverse à laquelle nous
sommes meshui confrontés, et qui ne tient pas tant à la négociation elle-même –
le pape paraissant de présent désirer l’absolution du roi aussi fermement qu’il
la refusait du temps du duc de Nevers – qu’à l’encharnement que met le duc
de Sessa à s’y opposer.
    Je n’étais pas du tout assuré, comme dans sa courtoisie
Du Perron voulait bien le dire, que mes ressources fussent en rien
supérieures, ou même égales, à celles des trois prêtres qui m’entouraient,
lesquels présentaient une somme de savoir, de finesse et d’expérience
proprement émerveillable, même au Vatican, où s’encontraient pourtant tant
d’esprits hors du commun. Mais pour ne pas alourdir le débat par un assaut de
politesses, je pris le parti de dire tout uniment, et très à la soldate :
    — Messieurs, je ne sais si je serai de quelque usance
et secours à vous, mais s’agissant de Sa Majesté, je ferai tout en mon
pouvoir pour prêter la main à ce que notre affaire avance.
    —  Bene, dit Giustiniani, pour rendre courte une
histoire longue, l’arête dans notre gorge s’appelle meshui le duc de Sessa. Il
avait prédit que Mgr Du Perron n’arriverait mie à Rome, mais depuis
que notre bien-aimé ami est advenu céans, le duc de Sessa s’exagite dans la
Ville éternelle comme un frelon dans un flacon, répandant partout menteries et
fausses nouvelles, et visitant un à un tous les cardinaux, même de nuit, pour
les gagner à sa cause.
    — Même de nuit ! dis-je, béant.
    — Oui-da ! Même de nuit, on l’a vu courir de porte
en porte et de heurtoir en heurtoir, et sans s’attarder à expliquer ses
raisons, aux uns il fait miroiter la perspective de la tiare, aux autres il présente
des bénéfices pour eux-mêmes ou leurs neveux – et à tous des pensions…
    — Des pensions ! dis-je. La ficelle n’est-elle pas
un peu grosse ?
    — Hélas, dit Giustiniani, plus elle est grosse, mieux
elle attache… À l’un, reprit-il, Sessa offre mille écus, à l’autre deux mille,
à un autre trois, et il n’y a pas faute de cardinaux qui se vendent, y compris
parmi ceux qui avaient de prime parlé en faveur de absolution.
    Ha ! m’apensai-je, si mon vieil huguenot de père avait
pu ouïr ces paroles, comment n’eût-il pas dedans l’esprit et à la bouche cette
phrase de La Boétie qu’il aimait tant à citer : L’Église
catholique est merveilleusement corrompue d’infinis abus.
    —  En bref, reprit Giustiniani, le duc,

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