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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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de ce monde n’a point tout à plein obscurci leur
conscience.
    — Eh bien donc ! poursuivis-je, à supposer que le
Saint Père, au lieu de laisser les cardinaux opinionner publiquement en
consistoire, – c’est-à-dire à portée des oreilles du duc de Sessa –
les entende un à un, au bec à bec, et en secret, ne peut-on espérer qu’il
recueillera des avis plus sincères sur l’absolution et partant, plus conformes
au sien ?…
    — Mais que voilà une émerveillable idée ! s’écria
Giustiniani en levant les bras au ciel. Signor Marchese  ! Mon
éminentissime ami ! C’est le Saint-Esprit qui vous inspire ! Et la
sagesse qui parle par votre bouche ! À défaut d’un Moïse, nous avons
trouvé un Salomon !
    Je rougis sous cette avalasse de compliments –
auxquels, fort chaleureusement, les deux Français se joignirent –, très
chatouillé en mon for qu’on me prêtât la sagesse d’un roi biblique, et plus
encore, qu’un cardinal vît dans ma suggestion l’inspiration du Saint-Esprit, en
lequel, pour ma part, je dois confesser que j’ai parfois tant de mal à croire…
    — Cependant, dit Mgr Du Perron en se
caressant la barbe d’un air songeard, il serait à craindre que les cardinaux,
après avoir opinionné blanc – au bec à bec avec Sa Sainteté –
opinionnent noir à l’issue de cet entretien.
    — C’est pourquoi, dit l’abbé d’Ossat de sa voix douce
et tournant qui-cy qui-là sa tête d’oiseau (mais qui contenait tant de choses),
il faudrait que le Saint Père, entendant à huis clos, et un à un les cardinaux,
leur défendît sous peine d’excommunication de révéler ce qui s’y est
dit.
    Cette idée, qui apportait à la mienne une addition fort
remarquable, fut déclarée par nous excellentissime, tandis que nous entre-échangions
des regards satisfaits et connivents, où ce qui n’était pas dit l’emportait sur
ce qui l’était.
    Et belle lectrice, si vous quérez de moi ce que j’entends
par là, j’oserais vous demander d’user de quelque imagination et de vous
mettre, maugré votre doux sexe, à la place du pape : que feriez-vous,
dites-moi, si après avoir consulté les cardinaux un à un et à huis clos –
et leur avoir fermé le bec par le foudre de l’excommunication –, vous
découvriez que votre opinion ne recueille pas tout à fait la majorité des voix,
ne seriez-vous pas tentée, alors, dans l’intérêt de la chrétienté, d’user d’un
mensonge pieux et – qui donc pourrait y contredire ? –
d’inverser les résultats ?
    — Monsieur, il me semble que vous vous paonnez prou de
votre « émerveillable idée ».
    — Assurément, Madame ! Et d’autant plus que
l’Histoire en a attribué la paternité au cardinal de Florence, comme elle a
attribué à M. de Vie la mort du chevalier d’Aumale. Voilà le mauvais
de ces missions secrètes ! On ne peut, sur l’instant du moins, revendiquer
ses propres mérites.
    — Mais, Monsieur, mettez-vous au rang de ces mérites
l’invention d’une petite ruse soufflée dans l’oreille du pape ?
    — Madame, en politique, une ruse ne peut être dite
petite quand elle produit de grands effets…
     
     
    On se ramentoit sans doute qu’à l’advenue de mon Miroul,
nous nous fîmes, lui et moi, des récits qui durèrent deux jours. Et comme il
m’apporta de France deux nouvelles qui me surprirent prou, dont l’une au moins
le touchait de fort près, je voudrais, bridant quelque peu ce galopant récit,
revenir à notre entretien, n’ignorant pas que mon lecteur est à mon Miroul très
affectionné.
    — Eh bien, mon Miroul, lui dis-je alors, as-tu bien
vendu mon bois de Montfort l’Amaury et me rapportes-tu les clicailles que j’ai
quises de toi ?
    —  Ma fé, Moussu, dit-il avec cet air innocent
qui chez lui annonçait tabustage et taquinade, je n’ai miette entendu à ce
paragraphe de votre lettre-missive : comment auriez-vous pu, en un petit
mois, écorner si pantagruelliquement votre bien ?
    — Ha, mon Miroul ! dis-je, non sans quelque
mésaise, pour deux raisons, comme dirait Alfonso : Primo, tu
n’étais pas là. Secundo  : j’étais à ce point enivré de la beauté de
la pasticciera, que je ne rêvais, du matin au soir, que de l’orner par
des bijoux.
    — Moussu, ne vous ai-je pas dit, avant de départir, que
lorsque le cheveu grisonne et la barbe barbonne, l’amour coûte prou…
    — Fi donc, Miroul ! Ce n’est point quatre écus

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