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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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par
semaine qui m’eussent dégonflé l’escarcelle ! Le grand débours que tu sais
vient de mes libres dons.
    — Et pourquoi cette grande débauche de présents, sinon
que vous tâchiez de vous faire aimer de la belle par vos insensées
libéralités ?
    — Nenni ! Nenni ! Elle m’aimait sans mes
cadeaux et la preuve en est qu’elle n’est point du tout avec moi refroidue,
maintenant que je ne peux la combler comme devant de mes ruineuses attentions.
    — « Ruineuses » est bien le mot ! Ha,
Moussu, cela me fâche ! Vous voilà devenu dépenseur et somptueux comme un
papiste ! Vous ramentez-vous les folles fêtes en Périgord de
M. de Puymartin ? Et comme votre oncle Sauveterre le blâmait de
dissiper en une nuit la récolte d’une année ?
    — C’est différent. Puymartin agissait par piaffe et
paonnade. Mais, moi, quand j’espinchais chez un joaillier romain un pendentif
délicatement ouvragé en or et pierreries, j’imaginais incontinent
l’émerveillable effet qu’il ferait sur sa divine gorge, et je ne pouvais
résister.
    — Divine, Moussu ! Par quelle sacrilégieuse
idolâtrie un tétin devient-il divin ? Et comment se peut-il que vous soyez
à ce point énamouré d’une garce, laquelle vous partagez avec cinq autres
gentilshommes !
    — Le partage ne fait rien à l’affaire, dis-je, étonné
de m’ouïr dire cela. Au moins ne me ment-elle pas ! Et je ne sais point
tant si je suis raffolé d’elle ou seulement de sa beauté. Pour moi, je
l’envisage comme la « Jeune Femme à la toilette » du Titien descendue
de son cadre pour dérober sa vêture, et m’admettre en sa coite.
    — Cornedebœuf, Moussu ! dit Miroul, voilà un chef-d’œuvre
de l’école italienne qui vous a beaucoup dégarni ! M’est avis que vous
eussiez mieux fait d’acheter le tableau, ou du moins sa copie.
    — Tu te gausses ! Ce n’eût été la même
usance !
    — J’entends bien et je vous trouve, de reste, l’air
bien guilleret et gaillard pour un ruiné et un empoisonné !
    — Bref ! Bref ! Bref ! m’écriai-je en
crescendo, as-tu vendu mon bois ? Combien d’arpents as-tu cédés ? Et
combien en as-tu tiré ?
    — Nenni ! Nenni ! Nenni ! cria-t-il en
écho, je n’ai pas vendu votre bois !
    — Et pourquoi ?
    — Pour ce que vos voisins, Moussu, qui seuls eussent eu
intérêt à l’acheter, sont de gros hobereaux vaniteux qui pètent plus haut que
leur cul et dépensent plus gros que leur bourse. Adonc, ils n’ont pas un seul
sol vaillant !
    — Miroul, dis-je en me jetant sur un cancan, la crête
fort basse, je te prie, ne parle pas tant à la légère de mon présent
prédicament ! Sais-tu que j’ai des pécunes assez pour quinze jours à
peine ? Et qu’il va falloir quitter la place sans voir le dénouement de
cette immense affaire de l’absolution ?
    — Et quitter Teresa ? dit Miroul, son œil marron
fort pétillant, tandis que son œil bleu restait froid. À moins que vous ne
quériez d’elle de vous rendre les bijoux !
    — Fi donc, Miroul ! Ce serait déshonorant !
    — Et plus déshonorant encore d’abandonner votre
mission.
    — Ha, mon Miroul, dis-je, sur le ton de la plainte
plutôt que de l’ire, me dois-tu ainsi cruellement picanier et ma conscience n’y
suffit-elle pas ?
    — Moussu, dit-il en marchant qui-cy qui-là dans la
pièce, pardonnez-moi, mais j’étais, à la vérité, ivre de rage quand j’ai reçu
votre lettre. Ventre Saint-Antoine ! Vendre un bois, entamer votre bien,
et pour une femme ! Alors que vous êtes adoré par toutes ! Comment
concevoir pareille irraisonnableté ? De reste, vous donnez toujours trop,
et pas seulement aux garces. À vos pages ! à vos chambrières ! à vos
mendiants.
    — À toi aussi, dis-je en levant un œil, quand tu étais
mon valet.
    — À moi aussi, dit-il non sans quelque émeuvement dans
la voix et le regard.
    Quoi dit, il revint à moi et m’entourant le col de son bras,
il me poutouna la joue.
    — Mon Pierre, dit-il, nous n’aurons pas à départir de
céans avant terme : j’ai informé le roi du reflux de tes clicailles et il
m’a baillé vingt mille écus pour toi.
    — Vingt mille ! dis-je en me levant d’un bond.
Vingt mille ! Ha, Miroul, que ne le disais-tu de prime ?
    — C’est que, Monsieur le Marquis, il vous fallait de
prime un peu vinaigrer pour mieux goûter ce miel.
    — Cornedebœuf, Monsieur l’Écuyer, me picanier ainsi. De
tous

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