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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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au
cardinal-secrétaire d’État Cynthio Aldobrandini, que celui-ci, sans lui toucher
mot de son affaire, a convoqué le duc de Sessa et lui a appris que
Sa Sainteté rappelait Giovanni Francesco de Madrid et qu’il n’allait pas
tarder à recevoir à Rome l’envoyé de Henri Quatrième : Mgr Du Perron.
    — Nouvelles excellentissimes, assurément !
m’écriai-je. Mais en quoi concernent-elles la protection de ma personne ?
    — Si Du Perron vient à Rome négocier l’absolution
du roi de France, c’est qu’il n’y a pas ou plus de négociateur secret, et qu’il
n’est donc plus utile de t’assassiner.
    — Loué soit Aldobrandini ! dis-je en riant. Et
loué soit le révérend docteur abbé Fogacer de son omniscience de laquelle, s’il
consent à la déclore derechef quelque peu pour moi, j’aimerais savoir pourquoi
le pape a rappelé Giovanni Francesco de Madrid ?
    — Cela, dit Fogacer avec un soupir, mon omniscience ne
le sait pas avec certitude, mais j’augure que d’Ossat a dû convaincre le pape
que Henri Quatrième n’enverrait pas Du Perron à Rome tant que Giovanni
Francesco serait à Madrid, le roi ne voulant pas en effet, que son absolution à
Rome dépende ou paraisse dépendre de quelque barguin de paix avec l’Espagne. Et
de reste, mi fili, n’est-ce pas précisément contre ce barguin que
M. de La Surie est allé en Paris mettre en garde le roi, dès que
tu as eu vent du départir de Giovanni Francesco pour Madrid ?
    — Touché ! dis-je en levant la main. Fogacer, tu
me laisses béant ! Comment par tous les anges de Dieu as-tu appris
cela ?
    — C’est que, dit Fogacer en relevant son sourcil
diabolique, j’appartiens à deux confréries également puissantes et bien
informées des choses de ce monde. À la première j’appartiens par ma soutane. À
la seconde par mes sœurs. La seconde, qui n’est pas sans quelque lien avec la
première, est de beaucoup la plus précisément informée, encore qu’il convienne
ici de séparer le bon grain de l’ivraie, et la vérité probable de la malicieuse
médisance.
    — Eh bien, Fogacer, dis-je, au nom de ces vérités
probables auxquelles ton double état te donne accès, que prédis-tu touchant
notre proche avenir ?
    — Que Giovanni Francesco sera de retour de Madrid à la
mi-avril ; M. de La Surie de retour de Paris à la fin du
même mois ; et que Mgr Du Perron avec une lenteur et une pompe
toute diplomatique n’adviendra à Rome que fin mai.
     
     
    Fogacer ne se trompait pas pour Giovanni Francesco et
M. de La Surie. Mais il errait fort pour Du Perron qui ne
fut dans nos murs qu’à la mi-juillet. Délaiement qui inquiéta excessivement le
Saint Père, lequel, après avoir traité le duc de Nevers avec la rudesse que
l’on sait, attendait le nouvel ambassadeur de Henri Quatrième avec une bien
émerveillable impatience, tant il craignait de présent que le roi, à qui
s’étaient ralliés tous les cardinaux français, et plus de cent évêques, ne se
contentât de l’absolution de l’église gallicane sans appéter davantage à celle
du Vatican, créant par là même un schisme tant funeste à l’unité de la
chrétienté que l’avait été celui de l’Église anglicane sous Henri VIII.
Tant est qu’ayant voulu si longtemps exclure notre roi du giron de l’Église, le
pape redoutait meshui d’être lui-même exclu de l’Église de France…
    Je revis mon Miroul avec une grandissime joie, tant cet
autre moi-même m’avait manqué, ayant été mon quotidien compagnon ces trente ans
écoulés, vaillant, sage, fidèle, et au surplus, dans le coutumier de la vie, si
gai et si gaussant qu’il éclairait de son soleil le jour le plus marmiteux. Il
arriva, de reste, à Rome en un jour de cette sorte, à l’aube, laquelle, en
dépit du proche printemps, se leva de fort maugré sur un ciel si noirâtre qu’on
vit peu de différence entre elle et la nuitée, quand celle-ci tomba. Mais moi,
pressant mon Miroul d’un bon milliasse de questions, sur Angelina, ma
seigneurie du Chêne Rogneux et mes tant beaux enfants, et lui voulant tout
savoir de ce qui m’était sans lui advenu, contrariait à chaque détour de phrase
ma curieusité, et moi, la sienne, tant est que nous fûmes tout le jour en cet
entretien et toute la nuit, et tout le jour du lendemain.
    Je ne fus pas sans verser quelques pleurs auxquels se
mêlaient bien quelques petits remords quand il me dit avec quels

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