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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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aisément que mon logis. Cependant, l’indiscrétion des Parisiens passant
l’imagination, je recommandai de prime à mes visiteurs de s’enquérir de
l’Aiguillerie. Peine perdue : on les y accompagnait pour voir d’où ils
iraient de là…
    De tout le temps que je vécus en Paris, pendant le siège,
sous ma déguisure de marchand-drapier, je n’avais osé mettre le pied dans la
rue du Champ Fleuri, de peur d’être reconnu par les commères, jasant d’un bord
à l’autre sous le prétexte d’arroser leurs fleurs, et aussi vives de l’œil que
de la langue. Aussi est-ce le nœud de la gorge serré et le cœur fort toquant
contre les côtes que je m’y engageai en ce clair matin, et vis, en
m’approchant, que la porte cochère était tout à trac déclose. Je m’apensai donc
que le Bahuet faisait ses paquets dans ma cour, et soufflai à Miroul de passer
devant ladite porte sans s’arrêter afin que de jeter un œil, et de me revenir
dire ce qu’il avait vu. Ce qu’il fit avec sa coutumière prestesse.
    — Moussu, dit-il à son retour, incapable de résister à
un giòco, ce ne sont pas ses paquets qu’il fait, ce sont les vôtres.
    —  Que dis-tu ?
    — Ma foi, Moussu, rien que la vérité : ce Bahuet
bahute vos meubles, tentures, tapis, coffres et cabinets ; il charge le
tout sur deux grands chariots.
    — Cornedebœuf, l’impudent vilain ! Je m’en va lui
tirer l’oreille.
    — Ha ! Moussu, dit Miroul, bridez un peu. Il y a
avec lui dans votre cour une bonne quinzaine de vaunéants, de mine sanguinaire
assez, et tous armés.
    — Qu’ois-je ? dit le « capitaine
Tronson », en survenant, à bout de souffle, ses deux guillaumes sur ses
talons. Quinze ? Monsieur l’Écuyer, vous avez dit quinze ! Et nous ne
sommes que six !
    — Mamie, dis-je à une accorte fillette qui passait en
la rue, allant à la moutarde, si du moins j’en croyais le panier qu’elle
portait au bout de son bras rond, sais-tu qui sont ces hommes que je vois dans
la cour du sieur Bahuet ?
    — Vramy ! dit-elle en son parler de Paris, vif et
précipiteux, mais en baissant la voix, rien n’en vaut ! Vous pouvez m’en
croire ! Ce sont crocheteurs, mazeliers et bateliers de rivière, tous
mauvais garçons. C’est pitié de voir cette cour des miracles en rue si noble, à
deux pas du Louvre. Mais Monsieur, reprit-elle, l’œil à’steure sur ma face,
à’steure sur ma vêture, encore que vous ayez un air de noblesse et portiez
l’épée, votre pourpoint est de cuir grossier. Êtes-vous ou n’êtes-vous pas gentilhomme ?
Que quérez-vous en notre rue ? Qui sont ceux-là ? Et que voulez-vous
au sieur Bahuet ?
    — Mamie, dis-je en lui caressant la joue de la main, tu
as bon bec, ce me semble. Ceux-là sont bonnes gens, et moi aussi. Voici un sol
pour t’acheter une oublie et la gloutir à ma santé.
    — Un sol ! dit-elle en ouvrant tout grand son bel
œil noir. Ha ! Monsieur mon maître, à ce prix, je vous dirai tout ce que
je sais sur tous les manants et habitants de notre rue ! Mais Monsieur,
reprit-elle, si vous défaut un jour une chambrière, pensez à moi, je me nomme
Guillemette, je loge en la maison à la dextre de l’ancienne Aiguillerie. Ma
bonne maîtresse ayant péri pendant le siège, je suis désoccupée, et il ne me
plaît point à seize ans, d’être à la charge de mes parents.
    Là-dessus, elle me fit un souris, une belle révérence et
s’en alla.
    — Voilà une bonne garce ! dit Pissebœuf à
Poussevent. Et dans laquelle il ferait bon s’enconner.
    — Arquebusier, dit Miroul qui, depuis que le roi
l’avait anobli, aimait à prendre un ton moral, que voilà des paroles sales et
fâcheuses ! Monsieur le Marquis, dit-il en se tournant vers moi, que
faisons-nous ?
    — Miroul, dis-je (et le prenant par le bras, je
l’entraînai à l’écart), pour te dire le vrai, je n’aime guère la physionomie de
la chose : ces vaunéants ont la tripe aussi fière que nos mignons de cour,
lesquels s’entr’égorgent pour un regard de travers. Tu n’ignores pas comme le
guet les craint. Et d’un autre côtel, si l’on en vient au chamaillis, le
Tronson a les ongles trop pâles pour faire rien qui vaille. Ses compagnons
moins encore. Ainsi nous serons quatre contre quinze, et, quinze, Miroul, c’est
prou ! Vais-je mettre au hasard nos carcasses et nos vies pour quelques
petits meubles, si précieux qu’ils me soient ?
    — Que faire donc ? dit Miroul. Les

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