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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Assurément, vous n’avez nulle raison de porter cet air rechignant.
    — Sauf, dis-je, que le roi m’a promis il y a huit jours
de me dépêcher en Paris et qu’il n’y paraît plus songer.
    — Il y songe, dit M. de Rosny avec un sourire
qui remonta ses larges pommettes jusqu’à ses yeux rieurs. Mais n’ayant pas une
minute à lui parce qu’il est fort occupé de présent à harceler et harasser ceux
de Laon tout en prenant langue avec eux, il m’a chargé de vous en dire ce jour
le quoi, le qu’est-ce et le comment.
    — Voilà qui va mieux, dis-je en me redressant sur mon
escabelle et en jetant un œil friand à mon Miroul.
    — Siorac, reprit Rosny, avez-vous ouï parler de
l’attentement de Barrière contre la vie du roi en 1593, lequel attentement, la
Dieu merci, faillit ?
    — Oui-da, dis-je, je l’ai ouï, mais m’encontrant alors en
Paris et la ville étant au pouvoir des Seize je n’en connais point le
détail.
    — Les détails et les circonstances, Siorac, ne
manqueront pas de vous édifier. Le 26 août de l’an dernier, un gentilhomme
italien, Ludovic Brancaléon, vint trouver le roi à Melun et lui dit qu’il avait
été témoin à Lyon d’un entretien entre un nommé Barrière et un jacobin du nom
de Séraphin Bianchi, au cours duquel ce Barrière avait quis du jacobin s’il
était licite de tuer le roi, celui-ci ayant été excommunié par le pape. Le religieux
(qui, se peut, voulait relever l’honneur de son ordre, fort terni, du moins
chez les royalistes, par l’assassinat de Henri Troisième par le jacobin Jacques
Clément) avait caché Brancaléon dans sa chambre pour qu’il pût rapporter
l’entretien au roi, ayant quelque idée jà du conseil que Barrière lui allait
demander. Quoi fait, il détourna le mieux qu’il put ledit Barrière de son
funeste entretien, mais, lui sembla-t-il, sans le persuader, et celui-ci le
quittant en disant qu’il allait consulter un grand docteur en Paris, Brancaléon
avait galopé jusqu’à Melun pour avertir Sa Majesté et fit bien, pour ce
que le jour même, qui était comme j’ai dit le 26 août, il aperçut Barrière
qui rôdait dans la rue devant le logis du roi. Il en avertit le lieutenant de
la prévôté, lequel arrêta Barrière, le serra en geôle, et l’ayant fait tout de
gob fouiller trouva sur lui un couteau long d’un bon pied, tranchant des deux
côtés, fort effilé de la pointe, et la lame fraîchement aiguisée.
    — Cornedebœuf, dis-je, pensant à Jacques Clément. Un
cotel encore !
    — C’est arme de truand, dit
M. de La Surie, et pas une n’est meilleure pour une meurtrerie,
car elle est facile à cacher, facile à saillir, facile à manier, et à tous les
coups fatale, du moins si la victime ne porte point de chemise de mailles sous
son pourpoint.
    — Hélas ! dit Rosny, encore que le monde entier
lui dise que depuis qu’il est converti, il est devenu tuable, le roi ne
veut ouïr parler de ces précautions-là : « Suis-je tortue ?
dit-il, pour me “carapaçonner” ? » Mais, je poursuis : on soumit
Barrière à la question ordinaire et extraordinaire, et il fit des aveux,
lesquels, Marquis de Siorac, oyez-moi bien, je vous prie – touchent à la
moelle de votre mission.
    — Je vous ois. J’aurais dix oreilles que je ne vous
oirrais pas mieux.
    — Barrière déclara qu’ayant perdu la belle qu’il
aimait, il avait résolu de mourir, mais ne voulant pas porter la main sur soi
de peur d’être damné, il avait résolu de tuer Henri de Navarre que tous les
prêches qu’il avait écoutés lui présentaient comme un tyran, un faux converti
et un hérétique. À Lyon, où il s’encontrait, il consulta à ce sujet un prêtre,
un capucin et un carme qui tous l’encouragèrent dans son dessein. Mais un
jacobin (il s’agit, je l’ai dit jà, de Séraphin Bianchi) ayant opiné au
rebours, Barrière fut par lui ébranlé, mais non point convaincu et, pour
trancher le point, il partit pour Paris consulter la plus docte personne qu’il
pût encontrer. Une fois dans la capitale, et ayant quis d’un marguillier quels
étaient les prédicateurs les plus zélés de la Ligue, il fut par lui adressé à
M. Aubry, curé de Saint-André-des-Arts, lequel l’ayant de prime affermi
dans son projet, le dépêcha au « grand docteur » qu’il avait tant
appétit à voir.
    — Et qui était-il ?
    — Le Révérend Père Varade, recteur du collège des
jésuites.
    — Tiens donc ! Un

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