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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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deux parts, pas loin de cinquante mille coups, sans
beaucoup d’effet à la vérité, les deux armées étant à la limite de portée des
mousquets, les leurs comme les nôtres.
    La nuit suivante, à la sourdine et en catimini, Mansfeld
décampa et reprit le chemin de La Fère. Dès qu’on le sut, on courut
désommeiller le roi, Biron quérant de lui de poursuivre l’ennemi dans sa
retraite et de lui tailler des croupières.
    — Nenni, dit Henri, à la guerre, il est bon de gagner,
mais imprudent de gagner trop. Mansfeld a tous ses crocs intacts. Voulez-vous
le contraindre à vous mordre ? La victoire est à nous, puisqu’il
s’ensauve. Cela suffit.
    À un gentilhomme qui dit alors avec quelque déprisement que
Mansfeld avait bien montré qu’il avait les ongles pâles, le roi répliqua
aussitôt :
    — Mais point du tout. Le comte de Mansfeld n’est pas
couard. Il est bien avisé. Il avait jà perdu un millier de bons soldats dans
notre embûche. S’il nous avait attaqués, il eût sacrifié la moitié de son armée
sans être du tout assuré de nous vaincre. Et comment eût-il poursuivi, après
cela, la pacification des Flandres ? Dans la réalité des choses, Mansfeld n’avait
qu’un dessein en venant céans : étaler sa force pour nous amener à lever
le siège. Raison pour quoi, n’en voulant pas vraiment manger, il n’a pas livré
une bataille. Il l’a seulement simulée…
    Le roi dit cela avec un de ces sourires dont il était
coutumier et qui donnait à entendre qu’en ne branlant pas plus que Mansfeld, il
avait été connivent à cette simulation, s’en accommodant fort bien, quant à
lui, puisqu’elle lui donnait la victoire sans coup férir.
    Tout décoiffé qu’il fut, quand on lui annonça le décampement
de Mansfeld, et quasi nu qu’il était, n’ayant aux pieds que ses mules et sur le
dos sa robe de chambre – pour ce qu’il venait à peine de se lever de ses
paillasses – le roi, écartant de sa main le pan de sa tente, saillit hors,
se peut attiré par la nuit qui s’encontrait fraîche après la touffeur du jour
et brillante aussi, étant suavement illuminée par une pleine lune qui montrait
en contours fort bien définis les murailles et tourelles de Laon. Sur
lesquelles tournant les yeux, Henri, appuyant la dextre sur l’épaule du soldat
qui le gardait, dit :
    — Arquebusier, comment te nomme-t-on ?
    — Jean Savetier, Sire.
    Henri rejeta la tête en arrière, inspira l’air à gueule bec,
et s’étant ainsi gorgé de la brise fraîche de la nuit, il dit gaiement :
    — Savetier, tu es bien nommé. Car la victoire meshui me
chausse. Laon est pour me tomber comme prune dans le bec. Et les villes
picardes. Et Reims. Et la Champagne…
     
     
    Laon, en effet, capitula le 26 juillet et, entraînés
comme le pensait le roi par son exemple ou craignant de subir un siège
semblable, sans que Mayenne et Mansfeld pussent leur venir à rescous,
Château-Thierry, Doullens, Amiens et Beauvais vinrent à composition et se
rendirent au roi. Le petit Guise, pour les mêmes raisons, prit langue avec Sa Majesté
pour lui rendre Reims, et quasi sans attendre la conclusion de ces pourparlers,
Rocroi, Saint-Dizier, Joinville, Fisme et Montcornet se donnèrent à elle. Le
duc de Nevers alla reprendre possession de Rethel et de son duché du Rethelois
pour son fils. Et moi-même, très puissamment accompagné, je traitai avec M me  de Saint-Paul,
lui assurant, outre le pardon du roi, sa vie, son logis et son bien, et aux
manants et habitants les franchises qu’ils demandaient. Je fis ce barguin avec
les députés de la dame et quand il fut en principe conclu, elle me manda par
eux qu’elle avait grand appétit à me voir, mais n’attendant de cette
chattemitesse que feintise et fallace, je noulus tout à plat.
    Je dis que le barguin ne fut conclu qu’en principe, parce
que la dame demandait pour livrer Mézières au roi une somme énorme, non point
pour prix de sa reddition – mais, Belle lectrice, ouvrez bien vos
mignonnes petites oreilles à cette exorbitante condition – pour prix des
fortifications dont son ligueux de mari avait entouré Mézières. Ainsi Henri
devait payer à la dame les remparements que ledit mari avait fait élever contre
lui !… Avez-vous jamais rien ouï de plus impudent ? En outre, ledit
prix n’était point du tout petit : M me  de Saint-Paul,
s’encontrant fort étroite pour donner, mais fort large pour se faire

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