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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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vivant, ils ne
pourront jamais obtenir de lui l’éradication des huguenots de France par le fer
et le feu. Ils ont conçu ce projet sanguinaire sous François I er ,
et encore que quasi un demi-siècle se soit écoulé depuis, ils s’y tiennent
encore. D’aucuns de ces gens d’Église, élevés pour la plupart dans la barbarie
des collèges, y prennent un caractère dur et féroce. Ils ne le perdent jamais.
    — Moussu, dit Miroul, dès que nous fûmes revenus sous
notre tente et l’un et l’autre étendus sur nos paillasses, tout rêveux et
songeards. Qu’êtes-vous apensé de ces deux missions ?
    — Que je me serais bien passé de la seconde.
    — Moussu, dit Miroul, vous êtes au roi, et non à
M. de Rosny. Rien ne vous enjoint donc d’accepter celle-là.
    — Hormis les obligations d’amitié et de gratitude que
j’ai à l’égard de M. de Rosny. Hormis aussi le fait que je crois
qu’il a raison de craindre : qu’on a jà attenté de tuer le roi, qu’on
l’attentera encore, et même si le pape lui donne l’absolution.
M. de Rosny n’est pas le seul à le dire et le croire.
    — Cependant, vous n’allez à cette mission-là que d’une
fesse.
    — Nenni, j’irai des deux, mais le cœur dans les talons.
    — Le cœur dans les talons ? Ha !
Moussu ! Voilà qui ne vous ressemble guère !
    — Ce n’est pas la vaillance qui me manque, mon Miroul.
C’est, je le crains, l’adresse et la finesse qu’il y faudrait.
    — Ha ! Moussu, vous n’en manquez point !
    — Pour l’ordinaire de la vie, oui-da ! Mais en ai-je
assez, crois-tu, pour surjésuiter les jésuites ?
     
     
    Lecteur, puisque me voilà de retour en Paris, je ne te veux
point celer que je me sentis fort aise, après de longs jours passés sous la
tente dans le camp de Laon, de retrouver mon logis du Champ Fleuri, lequel
j’aime à proportion que j’en ai été privé si longtemps par les Seize et
par Bahuet. Assurément, Henri Quatrième ne fut pas plus heureux de recouvrer sa
capitale que moi de me remettre en la tranquille possession de mes lares
domestiques.
    Le lièvre, j’imagine, se plaît au terrier qu’il a de soi
creusé, dont il connaît les tours, les recoins, les deux ou trois sorties sous
des fourrés dissimulés. Il y dort, il y mignonne sa compagne, il y élève ses
petits, il s’y sent remparé contre ses ennemis. Ainsi en va-t-il de nous,
puisque de tous nos biens périssables, c’est assurément à notre maison que nous
nous attachons le plus au cours de notre brève vie.
    S’il t’en ramentoit, lecteur, j’avais acquis mon clair et
beau logis de ville, grâce aux libéralités dont mon bien-aimé maître le roi
Henri Troisième m’avait comblé pour me mercier de mes missions. Et ce logis
possède, à vrai dire, toutes les commodités qu’on peut attendre en Paris d’un
hôtel de la noblesse, et notablement sa proximité du Louvre que dans les plus
grands embarras de charroi je peux atteindre, à cheval, en une demi-minute, et
à pié en cinq. Et, belle provinciale qui lisez ceci avec une moue, si vous
quériez de moi pourquoi pour un trajet si court je fais seller ma monture, je
répondrais qu’assurément ce n’est ni paresse ni pompe, mais pour éviter de me
crotter jusqu’aux genoux dans les rues fangeuses de la capitale.
    La rue du Champ Fleuri à l’ouest et la rue du Chantre à
l’est délimitent mon petit État, la première comprenant l’entrée principale,
laquelle donne sur une cour pavée, où à dextre et à senestre se dressent mes
écuries, et la remise pour ma coche et mon chariot. Et au-dessus desdites
écuries, la grange pour le foin et les logements pour mes valets. Le lecteur se
souvient peut-être que j’avais fort rehaussé le mur qui donne sur la rue du
Champ Fleuri, pour ce que je craignais, m’encontrant très haï de la Ligue,
d’être attaqué en ma demeure. Ce qui advint. Pour la même raison, La Vasselière
y ayant aposté un mauvais garçon pour m’arquebuser, je loue, de l’autre côté de
la rue, la maison vide de l’ancienne Aiguillerie, afin que de l’occuper par mes
gens.
    À la suite de la cour pavée que je viens de dire s’élève ma
demeure, laquelle est distribuée, à peu de chose près, comme celle de M me  de Saint-Paul
à Reims avec un escalier central qui dessert le premier et le deuxième, et un
viret dans une tour d’angle qui dessert ces deux étages, mais aussi le
troisième qui comporte les piécettes

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