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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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il dépêcha Rosny, Quéribus,
Saint-Luc, Vignolles, La Surie et moi-même, chacun en un quartier
différent, pour commander qui à la cavalerie de se mettre à cheval, armée en
guerre, qui à son infanterie de se former pour le combat.
    Nous départîmes tous comme fols, chacun dans une direction
différente, et quand je revins au quartier du roi – j’y observai la plus
grande confusion de chevaux et de fantassins qu’on pût imaginer, accompagnée de
huchements à pleine gorge, de jurements, de trompettes sonnant le boute-selle,
et de roulements de tambour – et ce qui me donna une appréhension quasi
désespérée de la situation, je découvris à l’horizon, fort visible, la
cavalerie ennemie qui se formait jà en escadrons, à mesure que les colonnes
advenaient sur le terrain. Le roi, assurément, ne faillit pas de la voir aussi,
mais il n’était jamais plus admirable de sang-froid, de fermeté et de
promptitude que le cul sur selle et l’estoc au poing, allant et venant, l’œil à
tout, rameutant son monde, le rangeant en bataille, l’éperonnant et
l’encourageant par ses gausseries, ses gasconnades et sa bonne humeur, et
ranimant tous les courages par l’inébranlable fiance en soi (et en ses armes)
qui se lisait sur sa face enjouée.

J’opine, toutefois, que si Mansfeld avait attaqué, alors que
notre armée était encore en son premier tohu-vabohu, toute pêlemêlée et
confondue, il eût eu les plus grandes chances de nous rompre. Mais Mansfeld
faisait toutes choses à l’espagnole : lentement et lourdement. Et comme
l’observa un jour M. de Rosny devant moi, on gâte autant d’avantages
à la guerre par la circonspection la plus raisonnable que par la plus folle
impétuosité.
    On sut plus tard que Mansfeld ne voulut attaquer que toutes
ses troupes ne fussent là, et qu’il souffrit de grands délaiements et
retardements du fait que son artillerie, dans le grand chemin de La Fère à
Laon, avait buté contre les chariots rompus et les chevaux morts qu’y avait
laissés notre dernier combat. Tant est que lorsque son armée fut prête,
complète, et rangée en bataille, la nôtre l’était aussi, et le soir tombant jà,
ni la leur ni la nôtre ne voulant engager une action que la nuit eût
interrompue, les deux camps s’entreregardèrent, chacun faisant fanfarer ses
trompettes et bruire ses tambours à la mode de sa nation. Et pour moi qui
trouvai quasi ébahissant ce pacifique face à face, j’imaginai qu’Homère, s’il
avait dû le raconter en son Iliade, y aurait ajouté deux discours en
forme de défi et challenge, l’un de Mansfeld à Henri, et l’autre d’Henri à
Mansfeld, lesquels, étant prononcés en la langue des deux généraux, n’eussent
été entendus ni de l’un ni de l’autre…
    Le lendemain, M. de Biron, toujours bouillant et
brouillon, ne parlait que d’aller chatouiller les moustaches de Mansfeld, afin
que de le décider à branler.
    — Je ne vois pas, dit le roi avec un fin sourire, ce
que je gagnerai à le forcer à se battre.
    Toutefois, sur le midi, Mansfeld dépêcha quelques
arquebusiers pour s’emparer d’un petit boqueteau qui, Dieu sait pourquoi, était
resté isolé entre les deux camps, se peut parce que sa possession eût été de
petite conséquence pour celui qui s’y serait établi. Marivault, qui avec Givry
commandait la cavalerie légère, vint aussitôt quérir d’Henri la permission de
les chasser de là.
    — Nenni, nenni ! dit le roi. Si j’avais eu appétit
à ce boqueteau, je t’y eusse dépêché avec deux cents cavaliers. Et c’est ce que
Mansfeld n’entend pas faire, ne voulant pas frotter ses cavaliers contre ma
cavalerie, laquelle il connaît pour meilleure que la sienne, étant toute
composée de noblesse française.
    Ce mot, aussitôt répété, fit le tour de nos cavaliers, et
leur mettant la crête haute, et la queue droite, les rendit encore plus
impatients d’en découdre. Mais le roi leur fit défenses expresses de ne rien
engager sans son commandement, et se contenta d’ordonner un feu nourri de
mousqueterie contre les Espagnols qui s’approchaient du boqueteau. Ce qui fut
fait, mais notre feu provoquant le feu de l’ennemi, un tir d’une intensité
incrédible s’installa et se poursuivit quasiment jusqu’à la nuit, dans une
noise et vacarme à déboucher un sourd. Un de nos deux capitaines
(M. de Parabère, si bien je m’en ramentois) me dit qu’en son opinion,
on avait tiré là des

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