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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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 de Joyeuse
tombée au déclin de sa vie dans la plus âpre dévotion. La Thomassine, percluse
de douleurs. Ma belle drapière de Châteaudun, remariée et battue. My Lady
Markby serrée en geôle par la reine Elizabeth.
    Quant à mon Angelina, ce serait quasi la profaner que d’en parler
avec le même souffle dont j’ai usé pour soupirer après mes défuntes amantes. Je
l’aime encore. Et m’apense, nolens volens [25] , que je l’aimerai toujours. Mais
quels coups elle m’a portés ! Et que loin, bien loin, nous sommes de
présent l’un de l’autre !
    — Mais Louison ?
    — Ha ! belle lectrice, me devez-vous ainsi parler
de Louison, laquelle, si j’ai envers elle quelque obligation de gratitude, me
laisse l’âme immensément sur la soif ? Nenni, nenni ! Mon existence,
comme j’espère que la vôtre n’est point, s’encontrait plus désertique que le
désert de l’Arabie, quand apparut à l’horizon trémulent cette oasis que voilà,
parcourue d’une eau si fraîche et si claire que j’en tombai d’un coup plus
amoureux que je ne l’avais de longtemps été.
    Mais oyez plutôt mon Miroul, quand je revins à la parfin en
mon logis de la rue du Champ Fleuri :
    — Quoi, Moussu ! Vous voilà ! Votre assiette
s’est horriblement ennuyée ces quatre heures écoulées ! La duchesse vous
a-t-elle nourri ?
    — Point du tout.
    — Il a donc fallu que cet entretien fût tout à fait
prenant, pour qu’elle y faillît.
    — Il le fut.
    — Mais, Moussu, de grâce, prenez place. Quatre
heures ! quatre grosses heures sans morcel gloutir et sans rien
avaler ! Cornedebœuf ! Mangez ! Vous paraissez fort las. Moussu,
vous ne dites mot, vous rêvassez ! Ce chapon est excellent, si peu viril
qu’il soit. Reprenez-en ! Et tâtez-moi de ce jambon de Bayonne. Est-il
assez moelleux ? La Dieu merci, vous mangez comme quatre, étant parti
quatre heures. Vramy, je ne m’étonne plus que vous soyez muet devenu. Vous avez
dû user votre langue jusqu’à la racine avec votre bonne duchesse.
    — Que dis-tu, Miroul ? dis-je roidement.
    — Que vous avez dû user votre langue à tant jaser.
    — En effet.
    — Moussu, suis-je importun ? Désirez-vous rester
seul avec votre rôt ? Cuit et confit en votre mijot ? Dois-je
entendre, poursuivit-il en se levant, que je ne suis plus votre intime ami et
confident ?
    — Mon Miroul, dis-je en le retenant promptement par la
main. Ami, tu l’es et le seras toujours, et nul plus proche. Mais…
    — Mais confident ne puis ! dit Miroul en riant,
pour ce que vous l’avez juré. Moussu, c’est assez ! Je vous entends !
À tout bonheur bouche cousue ! Ha ! mon Pierre ! Que je suis
félice pour toi de ce silence ! poursuivit-il en se levant et en me venant
baiser sur les deux joues (poutounes que je lui rendis sans pleurer pain).
Vramy ! Je l’ai vu de prime à votre air ! L’air fort las, mais l’œil
fort vif et toutefois rêvasseux, la mine fort épanouie, et je ne sais quoi de
bondissant dans la marche, quoique les membres fussent de fatigue reclus !
Et par-dessus tout, le bec clos ! archi-clos ! lequel par cette même
encharnée clôture racontait des volumes ! Toi, mon Pierre, qui en ton
ordinaire es si bien fendu de gueule ! J’ai cru rêver ! Cependant, je
m’accoise à mon tour ! Mon silence s’ajoute au tien comme graisse
s’additionne à graisse dans la bedondaine de Mayenne ! Nous allons avoir
céans des tonnes et des tonnes de silence ! Nul cloître ne sera plus
muet ! Toutefois un mot encore, Monsieur le Marquis !
    — Monsieur l’Écuyer, je vous ois.
    — Il n’est pas que la bonne duchesse et vous-même
n’ayez échangé quelques paroles ces quatre heures écoulées, d’aucunes mêmes
dont on pourrait dire qu’elles fussent ad usum puerorum [26] .
    — Je lui ai conté Reims. Conte que tu connais aussi
bien que moi. Et elle m’a parlé de son confesseur jésuite.
    — Tiens donc ! Voilà sujet fort savoureux !
    Là-dessus, à sa répétée prière, je lui en dis ma râtelée,
qu’il ouït avec un ébaudissement qui crût à mesure de mon cheminement parmi les opinions probables.
    —  Mon Pierre, dit-il, il faut bien avouer que la
coïncidence est rare ! Tandis que notre jolie duchesse vous entretenait de
son confesseur, le curé de Saint-Germain-l’Auxerrois est venu céans vous
visiter et, fort déçu et chagrin de ne pas vous trouver au logis, a dit qu’il
vous reviendrait voir sur

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