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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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se confesser.
    Le bon curé prononça le mot « jésuites » comme il
eût prononcé le mot « hérétique » ou « relaps ». Vous
eussiez cru entendre un fouet claquer sur un dos nu.
    — Mais, Monsieur le Curé, dit Miroul qui, voyant le
curé aller si bon train, le voulait pousser plus avant sur sa pente sans que je
m’engageasse dans ce périlleux débat, encore que je partage l’opinion de
M. de Siorac sur l’obligation de se confesser à son curé, plaise à
vous de me dire en quoi se confesser à un autre que son curé et recevoir de lui
communion est pratique si condamnable ?
    — Pour ce que, dit Courtil avec feu, le préjudice est
immense, et au curé, et au pénitent.
    — J’entends bien, reprit Miroul : Le pénitent,
s’il n’est point confessé par son curé, sera avec lui moins donnant, réservant
ses libéralités, se peut aussi ses legs, à celui qui dirige sa conscience. Mais
en quoi le pénitent lui-même subit-il un dommage en la matière ?
    — Ha ! Monsieur l’Écuyer ! dit Courtil d’un
air douloureux, le dommage est indubitable ! Sortir de sa paroisse pour
aller ailleurs se confesser et communier, c’est laisser le temple de Jérusalem
pour aller sacrifier aux montagnes de Samarie.
    — Pardonnez-moi, Monsieur le Curé, dit Miroul, si votre
comparaison honore votre savoir grandement, elle est plus biblique que
convaincante. Pourquoi les sacrements, s’ils sont administrés par un prêtre,
seraient-ils moins valables aux montagnes de Samarie ?
    — Mais parce qu’on y est seul, Monsieur ! s’écria
Courtil en levant les deux mains au ciel. Si ce sacrement s’appelle communion,
c’est justement parce qu’il le faut recevoir dedans l’église en l’assemblée des
fidèles. Sachez, Monsieur, sachez, poursuivit-il sur le ton de la vaticination,
que la rémission des péchés s’obtient principalement par la violence d’une
prière commune que toute l’Église pousse vers le ciel, le forçant, pour ainsi
parler, de s’ouvrir à nos requêtes !
    L’extraordinaire naïveté de ce sentiment tout à la fois me
consterna et m’ébaudit, tant est que ne pouvant trahir ni l’une ni l’autre de
ces humeurs, je demeurai comme devant muet, laissant mon Miroul se débattre
comme il pouvait avec l’énorme lièvre qu’il avait soulevé. Ce qu’il fit, avec
sa coutumière adresse, son œil marron fort pétillant et son œil bleu restant
froid.
    — Ha ! Monsieur le Curé ! s’écria-t-il, que
cela est beau ! Et que la métaphore me paraît pertinente ! Ce portail
du ciel qui reste clos au pénitent solitaire, mais que la poussée, conjointe et violente de tous les fidèles réussit à forcer, voilà qui parle au
cœur et à l’imagination ! Monsieur, vous m’avez tout à plein persuadé, et
je vous rends les armes !
    — Monsieur l’Écuyer, dit Courtil, l’œil luisant de
modestie, je rends grâce au ciel d’avoir trouvé les mots qui vous ont touché.
Et puisque vous me faites l’honneur de les trouver idoines, je les répéterai
dimanche à mon prêche.
    — Auquel, dis-je, je ne faillirai pas d’assister, et au
premier rang, désirant, quant à moi, demeurer fidèle à ma paroisse et à mon
curé, et sans céder à cette mode qui le robe de ses meilleurs pénitents.
    — Monsieur le Marquis, roberie est bien dit, poursuivit
Courtil. Pour moi, j’avoue que je ne peux souffrir ces jésuites (derechef le
mot claqua comme un coup de fouet) qui font tant de mal à l’Église. Et en
savez-vous la raison ?
    — Quelle ? dis-je avec une avidité point du tout
contrefeinte.
    — C’est qu’ils ne sont ni séculiers, ni réguliers, en
bref ni chair, ni poisson, ni bonne chair, dirais-je, ni honnête poisson !
Ils se disent réguliers, mais où sont leurs bures et leur clôture ? Ils portent
la soutane comme nous, vivent dans le siècle, se répandent dans le monde. Mieux
même, ils revêtent, à l’occasion, des vêtements laïcs, se ceinturent d’une
épée, chevauchent de grands chevaux (et non, comme nous, de modestes mules),
voyagent par monts et vaux, traversent des océans… Ils refusent en outre de
reconnaître l’autorité des évêques, ne prétendant obéir qu’à leur seul général,
lequel est espagnol, et au pape, lequel est italien. Ils violent le privilège
de l’Université et ouvrent des écoles où ils séduisent les enfants par une
contrefeinte douceur, dans le même temps, qu’ils corrompent les parents par

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