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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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le coup de quatre heures.
    — Dieu bon ! dis-je en jetant un œil à ma
montre-horloge ! Nous y voilà quasiment ! Et du diantre si je sais ce
que le bonhomme me veut, sauf toutefois que je ne suis pas aussi assidu aux
offices qu’il y a appétit.
    J’avais, en effet, à peine fini de gloutir la dernière
gueulée de ma repue que Franz introduisit M. le curé Courtil. À sa vue, je
me levai, vins à lui le visage riant, et lui serrant la dextre des deux mains,
l’assurai de mes bonnes amitiés, tout en scrutant sa face, laquelle me parut, à
dire le vrai, excessivement déquiétée.
    Je dis « déquiétée » et non inquiète, car le curé
Courtil n’avait pas l’apparence d’un homme à nourrir des angoisses
métaphysiques, ayant la face large, rouge et luisante comme un jambon, des yeux
noirs brillants, une bouche vermeille, de fortes dents, la membrature carrée,
et une bedondaine qui rondissait gracieusement sa soutane.
    Après les barricades et pendant le siège de Paris, il avait
prononcé des prêches ligueux, mais sans les excès d’imprécations, d’injures et
d’appels au sang où tant d’autres étaient tombés. Tant est que n’ayant pas
suivi à l’entrée du roi les chariots de la garnison espagnole, il avait
bénéficié de la clémence de Sa Majesté et, s’inclinant avec bonne grâce,
priait et faisait prier pour Elle en sa chaire, attendant sans impatience que
le pape la relevât de son excommunication.
    — Franz ! dis-je, quand je l’eus fait asseoir,
baille à M. le curé Courtil un gobelet de ce bon vin de Cahors afin que
M. de La Surie et moi puissions trinquer avec lui.
    — Monsieur le Marquis, dit le curé Courtil, j’accepte
du bon du cœur, mais pour l’honneur du trinquement, car pour le vin j’en bois
fort peu, hormis à messe. De reste, il est fort bon, ajouta-t-il en faisant
claquer sa langue.
    — Franz, dis-je, tu feras porter deux bouteilles au
presbytère de Saint-Germain-l’Auxerrois.
    — La grand merci à vous. Monsieur le Marquis, dit
Courtil. Le procédé est fort honnête.
    — Monsieur le Curé, vous n’ignorez pas que vous pouvez
compter en toute occasion sur mes bons sentiments à votre endroit.
    — Et sur les miens, dit M. de La Surie
avec un gracieux salut.
    — Monsieur le Marquis, je suis votre serviteur, dit
Courtil. Et le vôtre aussi, Monsieur l’Écuyer.
    Quoi disant, d’une seule lampée, il gloutit son vin et ayant
ainsi ranimé sa vaillance, il monta tout dret à l’assaut.
    — Monsieur le Marquis, dit-il, depuis que vous avez
recouvré votre logis du Champ Fleuri, je vous ai vu à messe, mais, si ma
remembrance est bonne, jamais à confesse, ce qui me chagrine fort.
    — C’est que, Monsieur le Curé, dis-je en jetant un œil
à Miroul, je ne me confesse qu’à Pâques, et à Pâques, j’étais à Laon avec les
armées du roi.
    — Monsieur le Marquis, reprit Courtil après un moment
de silence, pendant lequel il parut peser ma repartie dans de fines balances,
peux-je quérir de vous en toute simplicité s’il n’y a point eu à votre
abstention une autre raison ?
    — Et quelle, par exemple, Monsieur le Curé ?
dis-je en avançant une patte prudente en ce terrain, pour ce que je me
demandais, en mon for, si le bonhomme, comme ma jolie duchesse, m’allait
soupçonner de sentir encore le hareng.
    — Par exemple, dit Courtil, que vous vous soyez
confessé à quelqu’un d’autre ?
    Ha ! m’apensai-je, en espinchant mon Miroul de côté, je
t’entends enfin, mon compère ! Et ton rôt, à ce que je crois, ne va pas
manquer de sel.
    — Monsieur le Curé, dis-je gravement et comme enveloppé
de ma vertu, hormis quand je voyage, je croirais faillir à mes devoirs de
paroissien en me confessant à quelqu’un d’autre que le curé de ma paroisse.
    — Ha ! mon fils ! s’écria Courtil, que Dieu
et tous les saints vous bénissent de ce sentiment-là ! Et plût à Dieu
qu’il fût partagé par tout ce que la Cour et la Ville comptent de
conséquent ! Hélas, il n’en est rien ! Et c’est là où le bât me
blesse ! Car chaque jour je vois mon confessionnal déserté par les plus
hauts de mes paroissiens ! Il me semble que maugré mes prières au Dieu
tout-puissant ce flux funeste ne s’arrêtera jamais, et que je suis
véritablement sur le chemin de perdre un à un mes meilleurs pénitents, tant se
répand parmi eux cette mode – que dis-je –, cette rage de courre aux jésuites
pour

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