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La Poussière Des Corons

La Poussière Des Corons

Titel: La Poussière Des Corons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie-Paul Armand
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attitude était une supplication. Sans perdre de temps, il se pencha
vers Charles, mit sa poitrine à nu, écouta le cœur, les poumons. Je vis son
visage devenir grave. Rapidement, il prit une seringue, l’emplit de liquide, fit
une piqûre. Puis il se tourna vers moi :
    — Apportez un bassin. Il faut que je fasse une
saignée.
    Avec la sensation d’évoluer dans un cauchemar, j’allai
chercher le récipient demandé, le lui apportai. Une saignée, je savais ce que
cela voulait dire. Ça ne se pratiquait que dans les cas graves, les cas
extrêmes. Que s’était-il donc passé ? Pourquoi ça, maintenant, alors que
Charles commençait à aller mieux ?
    Je me forçai à ne pas regarder. Jean tenait le bassin ;
moi, je n’aurais pas pu. Je serrais les montants du lit et m’y appuyais pour ne
pas tomber. Je sentais mes oreilles bourdonner, j’étais au bord de l’évanouissement.
Je rassemblai mes forces pour surmonter le malaise que je sentais venir. Était-il
possible que mon Charles fût, de nouveau, en danger de mort ?… Une sueur
froide me couvrait le visage. Marcelle s’aperçut de mon état. Sans un mot, elle
approcha le fauteuil et m’y fit asseoir. Les jambes en coton, je m’y laissai
tomber. Je tremblais nerveusement, la peur me serrait la gorge.
    Ce fut Jean qui raccompagna le médecin. Dans un état second,
je les entendais parler, et des mots me parvenaient, que mon esprit repoussait :
œdème pulmonaire aigu… très grave… considéré comme perdu… repasserai demain
matin… Un cri montait, du plus profond de mon être, et explosait
silencieusement au-dedans de moi : NON ! NON !… Ce n’était pas
possible, ce n’était pas de Charles qu’il parlait, ce ne pouvait pas être de
lui.
    Marcelle prit le bassin rempli de sang et sortit. Seule avec
Charles, je le regardai, les yeux noyés de larmes. La saignée semblait l’avoir
soulagé, et son visage était moins gris. Sa respiration, aussi, était moins
sifflante. Sous mon regard, il ouvrit les yeux. Dans un effort, il tendit une
main vers moi, et murmura, péniblement :
    — Madeleine…
    Je compris, avec une certitude cruelle, qu’il sentait une
force irrésistible l’emporter, et il m’appelait. Cette main tendue, était-ce
pour se cramponner à moi, ou était-ce, au contraire, un adieu ?… Je la
pris, la serrai de toutes mes forces. Loin, très loin, son regard essayait de
me parler, avec une douceur bouleversante, et me disait, en cet ultime instant,
son amour. Mon cœur se brisa. Je m’abattis contre lui en sanglotant. Mes larmes
trempaient nos mains réunies, et je savais, avec un instinct sûr et
inexplicable, que Charles allait me quitter. Des vagues de souffrance
envahirent brutalement mon cœur, le meurtrissant de leurs flots furieux et
déchaînés. L’impuissance me ligotait. Je n’étais plus qu’un immense désespoir.
    Il voulut parler, me dire quelque chose, et n’y parvint pas.
L’effort qu’il fît amena une nouvelle quinte de toux, et elle fut si longue et
si douloureuse que je ressentais sa souffrance. Ensuite, les yeux clos, le
visage crispé, il employa toutes ses forces à essayer de respirer. En même
temps, de ses mains il se griffait la poitrine, comme pour repousser la douleur.
Et moi, inutile avec tout mon amour, je ne pouvais pas l’aider.
    Jean et Marcelle revinrent dans la chambre. Je levai sur mon
fils un regard désemparé. Il vint vers moi, passa un bras autour de mes épaules
et, sans un mot, me serra contre lui. Je ne me trompai pas sur la signification
de ce geste ; il voulait dire : « Courage ! Je suis avec
toi, nous sommes là. » Je serrai les dents pour ne pas hurler ma détresse.
    Tous les trois, nous sommes restés à son chevet. Tard dans
la soirée, j’ai envoyé Jean et Marcelle se coucher, et je suis restée seule
avec lui, mon amour de toute une vie.
    Je l’ai regardé. Je l’aimais comme jamais encore je ne l’avais
aimé. Sans dire un mot, je lui ai parlé. Je lui ai raconté notre vie ensemble, je
lui ai dit mon amour et ma tendresse, je l’ai remercié de m’avoir rendue
heureuse. Je lui ai demandé de ne pas me quitter, car sans lui je serais
désespérée. J’ai approché le fauteuil du lit, je me suis penchée et ai posé ma
tête près de la sienne, sur l’oreiller. Et je suis restée ainsi, sans bouger, très
longtemps.
    Les minutes, les heures ont passé. La nuit était uniquement
occupée par la respiration de Charles. Par moments, il

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