La Poussière Des Corons
d’être au lit. J’hésitai :
— Mais, Charles… Est-ce prudent ?
Il soupira, avec un peu d’impatience :
— Allons, Madeleine, ne me dorlote pas comme un
bébé ! Tu sais que je n’aime pas ça ! Ce n’est pas en restant au lit
que je vais reprendre des forces rapidement !
— Si tu le veux vraiment… dis-je. J’en profiterai
pour changer les draps.
Je l’aidai à se lever, à s’installer dans le fauteuil. Il
était furieux contre la faiblesse qu’il ressentait. Il appuya sa tête contre le
dossier du fauteuil et ferma les yeux un instant. Inquiète, je le regardai. Il
rouvrit les yeux et me sourit :
— Ne t’inquiète pas, Madeleine… Ça va aller…
Je mis une couverture sur ses genoux, lui en entourai les
jambes :
— Ne prends pas froid, surtout, Charles… Tu sais
ce qu’a dit le médecin.
Il me laissait faire en souriant, et je retrouvais son
regard aimant posé sur moi.
— Madeleine, ma chérie… dit-il, en tendant la
main et en me caressant tendrement les cheveux.
Quelque chose d’intense et de douloureux éclata dans ma
poitrine, et j’eus envie de pleurer. Je posai ma joue contre sa main, et avouai,
tout bas :
— Oh, Charles, si tu savais… J’ai eu si peur !
J’ai cru que…
Je m’arrêtai, la gorge nouée de sanglots. Il reprit pour moi :
— Tu as cru que j’allais te quitter pour toujours ?
Madeleine, ma chérie, cela me serait impossible ! Je t’aime tant que, même
si je mourais, je ne te quitterais pas, je serais toujours près de toi, même si
tu ne le vois pas… Du plus loin que remontent mes souvenirs, je t’ai toujours
aimée. Il m’était impossible d’imaginer ma vie sans toi.
Les larmes à présent coulaient sur mes joues, sur la main de
Charles que je tenais contre moi. J’ai levé la tête, lui offrant mon visage
bouleversé ; j’ai vu, dans ses yeux posés sur moi, tout ce qu’il venait de
me dire ; et j’ai eu envie de le remercier, à genoux, pour cet amour qui
avait été présent à chaque jour de ma vie.
Le soir, Jean revint, et fut agréablement surpris de voir
Charles assis dans son fauteuil. Robert et Catherine vinrent également lui dire
bonsoir. Charles, entouré de toute notre affection, souriait. Robert a donné
des nouvelles de la mine et a rapporté à Charles les messages d’amitié de
nombreux camarades. Les yeux de Charles brillèrent de joie et d’émotion.
Et puis, la conversation devint générale, Robert et Jean se
mirent à discuter, tandis que Catherine me parlait des gens qu’elle avait
rencontrés et qui, tous, demandaient des nouvelles de Charles. Je l’écoutais
lorsque, soudain, je-pris conscience du changement de Charles. Il serrait de
toutes ses forces les accoudoirs de son fauteuil et se penchait en avant, la
respiration haletante. Son visage était gris, cendré et de grosses gouttes de
sueur perlaient à son front, à ses tempes. Son regard tourné vers moi était un
véritable appel à l’aide.
D’un bond, je fus debout, j’allai à lui :
— Mon Dieu, Charles, qu’as-tu ?
Les autres, à leur tour, s’aperçurent que quelque chose n’allait
pas.
— Nous l’avons trop fatigué, dit Robert. Recouche-toi,
mon vieux, reprit-il en s’adressant à Charles, nous allons te laisser reposer.
Ils partirent aussitôt. Avec Jean, j’aidai Charles à se
mettre au lit. Son visage tendu me faisait peur. Il semblait avoir énormément
de mal à respirer. Presque plié en deux, il essayait de lutter contre la
douleur qui lui comprimait la poitrine.
— Charles, oh mon Dieu ! Que se passe-t-il ?
Il fut incapable de me répondre. Le regard qu’il eut vers
moi, à ce moment-là, était déchirant. Il criait au secours, il contenait une
immense douleur. Épouvantée, je me tournai vers Jean.
— Je vais chercher le médecin, dit-il. Il ne faut
pas perdre un instant.
Il sortit, et je restai près de Charles, avec Marcelle qui
semblait aussi effrayée qu’une petite fille. Le visage de Charles était livide,
son nez se pinçait, il respirait de plus en plus difficilement. Je lui pris la
main. Il me regarda, avec une impuissance pleine de désespoir. Consciente de ne
rien pouvoir faire pour apaiser sa douleur, je me sentais devenir folle d’angoisse.
Les minutes passaient avec une lenteur impitoyable. Je ne pouvais que regarder
mon amour lutter contre sa souffrance et souffrir avec lui.
Lorsque Jean revint avec le médecin, je me tournai vers lui,
et toute mon
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