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La Poussière Des Corons

La Poussière Des Corons

Titel: La Poussière Des Corons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie-Paul Armand
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brutale et insupportable s’est imposée à moi. La
pensée atroce que je m’efforçais de repousser envahit brusquement mon esprit, me
rappelant avec cruauté que plus jamais Charles ne serait là, près de moi, et
que je serais seule, interminablement, impitoyablement, définitivement seule.
    Alors l’espèce d’insensibilité qui suit un grand choc et qui,
jusque-là, m’avait aidée à tenir disparut et laissa place à un désespoir
brûlant et amer, qui était en même temps un profond refus de ce qui était
arrivé. J’eus une violente crise de larmes, la première d’une : longue
série, enfouissant ma tête dans l’oreiller pour étouffer mes sanglots. Et ma
révolte était d’autant plus douloureuse qu’elle se savait inutile.
     
    Ce fut la période la plus noire de ma vie. Même les années
de guerre, les années de souffrance pendant lesquelles j’avais été séparée de
Jean, et les épreuves endurées, n’avaient pas été si atroces à supporter, n’avaient
pas eu, surtout, ce caractère cruel du défini-: tif. Charles ne reviendrait pas.
Rien n’était plus intolérable que cette pensée.
    Tout au long des semaines, des mois qui suivirent, je vécus
avec, en moi, une continuelle sensation de vide, de désespérance, d’impuissance ;
avec l’impression de me retrouver dans le néant, de crier sans être entendue, de
vivre sans espoir, d’errer sans but, d’être perdue et solitaire dans un monde
incompréhensif et indifférent.
    Même mes enfants, malgré tout leur amour, ne pouvaient se
rendre compte de l’immensité de mon chagrin. Et moi, avec une pudeur
instinctive, j’essayais de le leur cacher, réservant pour les moments où j’étais
seule mes crises de désespoir.
    Pourtant, il m’arrivait parfois de pleurer en leur présence,
malgré mes efforts pour me retenir. J’étais deux fois plus malheureuse ensuite
parce que je les voyais désolés, et impuissants à me consoler. Jean soupirait, et
Marcelle, les yeux pleins de larmes, ne savait que faire. Et c’était ça, je
crois, le plus dur : il n’y avait rien à faire, il fallait subir et
accepter, et je ne le pouvais pas.
    Je n’étais bien nulle part. Par moments, je ne supportais
plus de rester chez moi. Alors je sortais, je partais, n’importe où. Le
dimanche, Jean et Marcelle venaient me chercher, et j’allais passer la journée
chez eux. Mais, même avec eux, tout le jour je me sentais mal à l’aise car je
savais que, le soir venu, je devrais retourner dans ma maison où Charles, jamais,
ne serait plus. Si c’étaient eux qui venaient, j’appréhendais le moment où ils
partiraient, et où je me retrouverais avec ma souffrance.
    Juliette vint, à plusieurs reprises, m’apporter sa tendresse,
son affection. Avec elle, je parlais de Charles. Comme moi, elle l’avait connu
dès son enfance, et elle savait qu’il m’avait aimée inconditionnellement. Elle
me disait souvent :
    — C’est à cela que tu dois penser, Madeleine, à
cet amour immense qu’il avait pour toi.
    Je sanglotais :
    — Mais cet amour, je l’ai perdu, maintenant.
    — Malgré tout, tu l’as eu, pendant de nombreuses
années, et tu ne dois pas l’oublier.
    Je comprenais bien que je devais raisonner ainsi, mais je ne
pouvais pas, pas encore. C’était trop dur.
    Anna, de son côté, m’envoyait de longues lettres. Ils ne
pouvaient pas venir me voir comme ils l’auraient souhaité, mais ils ne m’oubliaient
pas. Georges avait beaucoup de peine. La mort de son frère l’avait marqué, et
il sous-entendait que Charles serait encore là s’il avait, comme lui, quitté la
mine.
    Les moments les plus pénibles étaient le matin et le soir. Le
matin, parce que, devant moi, s’étendait une journée interminable, grise et
terne, remplie de chagrin. Et le soir, parce que je me retrouvais seule, alors
que les gens qui étaient venus me voir dans la journée étaient rentrés chez eux,
dans leurs foyers chauds et unis, avec ceux qu’ils aimaient.
    La nuit, seule dans le grand lit vide, j’avais des crises de
larmes, longues, amères, violentes. Ensuite, à bout de souffrance, épuisée, je
m’endormais, pour très peu de temps. Je me réveillais bien vite, écoutant
pleurer mon désespoir. J’en ai passé, des heures ainsi, à crier silencieusement
vers mon amour perdu. Où était-il ? M’entendait-il ? « Je serai
toujours près de toi, même si tu ne le vois pas… »
     
    J’ai passé de longs mois dans cet état

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